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L’Essaillon
« Entre la Tourre et lou Crapoun,
I a moun païs, qu’ei Sederoun »
Alfred Bonnefoy-Debaïs

Etudier, préserver et faire connaître le Patrimoine Historique, Naturel et Culturel de Séderon et de sa Région

Eugène Napoléon JULLIEN
Article mis en ligne le 1er décembre 2017
dernière modification le 4 décembre 2020

par POGGIO André, POGGIO Georges

Le petit musée de La Roche-sur-le-Buis porte le nom de Joseph-Fortuné Layraud [1], le plus célèbre des enfants du village. Il s’agit d’un musée ethnographique, sans autre lien avec le peintre. Sauf une photo exposée dans l’entrée, accompagnée d’une courte notice :

Eugène Fortuné Napoléon Sauveur JULLIEN, né à Séderon  ! une petite enquête s’imposait.

La généalogie a permis de retrouver la famille Jullien. Elle est bien originaire de Séderon :

  •  le grand-père, Sauveur Jullien, y était né en 1786.

Officier du Premier Empire, il a 28 ans à la chute de Napoléon 1ᵉʳ en 1814. Il était lieutenant, la Restauration va en faire un demi-solde [2]. Obligé de se reconvertir, il revient au pays pour s’installer comme aubergiste. Il le restera jusqu’à sa mort en 1845.

  •  le père, Eugène Lucien Jullien, est lui aussi né à Séderon, en 1819.

Il reprendra l’auberge familiale : au gré des actes d’état-civil, il est aubergiste, cuisinier, maître d’hôtel. Il deviendra receveur buraliste.

  •  Eugène Fortuné Napoléon Sauveur, le petit-fils dont le portrait nous intéresse, naît à Séderon en 1845. Son acte de naissance précise «  La Planette  ».

Il a hérité du prénom de Napoléon, souvenir vivace de l’épopée militaire du grand-père. Ce qui n’était certainement pas un handicap entre 1848 et 1870, période où Louis-Napoléon Bonaparte dirige le pays comme Président de la République, puis comme Empereur.

En 1861, le registre du recensement de Séderon nous indique qu’il ne vit plus chez ses parents. A 16 ans, peut-être est-il pensionnaire dans un établissement scolaire.

Livret militaire

Il n’a pas encore 20 ans lorsqu’il se marie : le 15 novembre 1864, il épouse Marie Endignoux. Marie est un peu plus âgée, 25 ans, mais c’est ce qu’on appelle un bon parti : son père est propriétaire cultivateur à La Roche-sur-le-Buis, maire du village de surcroît.

Le couple s’installe chez les parents de la fille, aura trois filles.

Eugène Napoléon passera la plus grande partie de sa vie à La Roche, dont il devient un notable.

Chef de famille après le décès du père Endignoux en 1870, Eugène Napoléon devient Conseiller municipal. Lui aussi exercera la fonction de maire, de 1872 à 1878.

Une vie apparemment sans surprise, sans heurt. Il la terminera à Séderon en 1901.

Ne reste que cette trace, que ce tableau fait par un peintre alors célèbre. En haut, dans le coin droit, Layraud a écrit en dédicace :

«  Souvenir à Mr Jullien, par son ami Layraud – 1879  ».

L’inscription était bien lisible, même sur la photo. Mais voir l’original était sans aucun doute préférable. Où pouvait-il bien se trouver  ? La seconde partie de l’enquête commençait.

En compulsant toutes les informations disponibles, j’appris qu’en 1993 le Musée de Valence avait organisé une grande exposition consacrée à Layraud – et qu’à l’occasion un catalogue avait été édité  !

C’était la bonne piste. Le portrait de Napoléon Jullien figurait parmi la centaine d’œuvres répertoriées, chacune avec sa provenance : le tableau avait été prêté par un collectionneur privé. Il y avait le nom du propriétaire, sa ville, Avignon… Mais tout ça datait de 1993  !

Vingt-cinq ans après, le propriétaire est toujours le même  ! Il m’a permis de venir voir le tableau chez lui, et de le photographier.


Portrait par Layraud – 1879

Grand chapeau noir («  capelas de pato à l’arrouganto [3]  ») et col blanc, cravate assortie à la couleur de la barbe, longue moustache dont on devine qu’elle pouvait être lissée, étirée ou tortillée du bout des doigts, l’homme pose avec assurance. Les bras croisés affirment la position sociale, mais l’œil reste bienveillant, il y a même de la malice, un peu d’ironie, dans le regard. D’ailleurs, côté ombre, la moustache ne se relève-t-elle pas pour empêcher une symétrie trop parfaite  ?

Tableau très expressif, plein de vie, ce qui n’était pas le cas de tous les portraits signés Layraud. Celui-là était vraiment destiné à un ami.

En 1879, Layraud vient de terminer son séjour à la cour du Portugal. Il habite Paris, plus précisément Auteuil, d’où il devait venir faire de fréquents séjours dans son village natal.

André POGGIO
Recherches généalogiques Georges POGGIO