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L’Essaillon
« Entre la Tourre et lou Crapoun,
I a moun païs, qu’ei Sederoun »
Alfred Bonnefoy-Debaïs

Etudier, préserver et faire connaître le Patrimoine Historique, Naturel et Culturel de Séderon et de sa Région

Quand nos ancêtres allaient chez le juge ou le notaire…
Article mis en ligne le 30 juin 2016
dernière modification le 2 octobre 2020

par DETHÈS Romain

Nous continuons d’explorer la vie des habitants de Séderon et du canton en publiant des transcriptions d’actes de notaires ou de juges de paix [1]

Arrentement de la Seigneurie de Séderon au Sieur Louis Bonnefoy dudict lieu

Dans cet acte notarié[Archives Départementales de la Drôme (cote : 2E 956)]][, nous découvrons les conditions d’arrentement de la Seigneurie de Séderon. Très courant au Moyen-Âge, ce «  contrat par lequel une personne donnait à une autre la propriété de quelque immeuble, à condition d’en recevoir annuellement et perpétuellement une prestation soit en nature soit en argent [2]  » fut supprimé sous la Révolution en 1790…

L’an 1716 et le 17ᵉ jour du mois de Juin après midi pardevant moi notaire royal de ce lieu de Séderon et témoins ci-après nommés, établi en sa personne messire Joseph Taxil prêtre habitant au lieu de Murs lequel de son gré – en qualité de procureur fondé de messire Jean Baptiste François d’Astuar [3] chevalier, marquis, baron dudit lieu de Murs, Seigneur de ce lieu de Séderon et autres places par écrit privé dudit Seigneur en date du 30 avril dernier – a pour ledit Seigneur arrenté, comme il arrente, sous toutes promesses de droit requises à Sr Louis Bonnefoy, marchand dudit Séderon présent et acceptant et stipulant, la terre et Seigneurie des droits Seigneuriaux dudit Séderon et dépendances, consistant au droit de tasque [4] et fournage [5], portions des moullins [6], cences [7], droit de lods [8] suivant la coutume, a raison de six un pensions droit de péage, pulverage [9], amandes, prix-fait adjudicataire [10], moulins, fournage [11], paroir et généralement tous les droits et devoirs Seigneuriaux et les mêmes portions portés par les précédents baux à ferme ci-devant passés à Sr Gaspard Bonnefoy qu’il a dit d’en être du fond pleinement informé et ce pour le temps et ferme de jouir desdits revenus de 4 années, lesquelles ont pour leur commencement le dernier de Janvier de l’année courante et tel jour finiront qu’il sera ci-après enregistré.
Etant préalablement lesdites 4 années et chacunes pour et moyennant la rente de chacune année, de la somme 1350 livres payables en deux paies égales de 675 livres la chacune. La première commencera aux fêtes de Pâques prochains et la seconde à la Madeleine d’après  ; et ainsi continuant à pareil termes les années d’après.
Le tout porté et rendu par ledit Bonnefoy ainsi qu’il promet audit Seigneur à son château audit Murs aux frais de Bonnefoy. Outre et par-dessus ladite rente en argent, ledit Bonnefoy baillera encore audit Seigneur, tous les ans 12 chapons bons et de recette à chaque fête de Noël, commençant le premier paiement aux fêtes de Noël prochaines et ainsi continuant aux mêmes fêtes des années d’après portables par ledit fermier ou qui dessus, sous les autres accords et conditions suivantes.
Premièrement que ledit fermier usera du four banal, et portions des moulins à blé appartenant audit Seigneur et dépendances de ladite ferme en père de famille. Et sera tenu réparations qu’il conviendra faire. Et sera tenu de nourrir et défrayer le Sieur Juge dudit Sederon lorsqu’il procédera à des procès criminels à la requête du procureur d’office, et de lui payer tous les ans deux charges bled froment pour ses appointements sans diminution de ladite rente, poursuivra la punition des crimes jusques à définitive et les amendes lui appartiendront. Se réservant ledit Seigneur le droit de prélation [12] et de donner estitution des ventes et aliènements faits lorsqu’il se feront pendant la tenue de ladite ferme. Sera pareillement tenu ledit fermier d’entretenir le pont en bon père de famille. Et en cas que ledit Seigneur vendît ou autrement aliénât ladite terre et Seigneurie en tout ou partie, audit cas ledit messire Taxil pour ledit Seigneur proteste de n’être rien tenu audit Bonnefoy d’aucun dédommagement comme pour lors. Et pour l’observation du contenu au présent acte, les parties obligeant savoir ledit Sr Taxil en vertu de sa dite procuration les biens dudit Seigneur, et ledit Bonnefoy les siens propres à toutes cours avec deube renonciation l’ont juré.(…) Fait et publié audit Séderon dans la maison de moi notaire, en présences de messire Charles Reynaud prêtre et archiprêtre en ses cantons dudit Séderon (…), Mr Pierre Vincens avocat en la cour et juge ordinaire dudit Séderon, témoins requis et signés avec les parties.

Taxil Bonnefoy Reynaud curé Vincent

Pour la petite histoire :
La terre de Séderon passa entre les mains de nombreux seigneurs depuis le Haut Moyen-Age jusqu’à La Révolution. L’un des plus anciens Seigneur connu de Séderon fut sans doute le Dauphin Jean. Le 17 novembre 1308, il donna à Raimond de Mevouillon le territoire de Séderon que Raimond vendit le 16 décembre à Riccardo de Gambatesa, sénéchal des comtés de Provence et de Forcalquier. Puis, en 1353, la Reine Jeanne fit don à Guillaume II Roger de Séderon qui la légua à son fils Raymond. Après quelques pérégrinations, en 1436, à la mort de Louis III d’Anjou, Antoine de La Salle reçut «  la jouissance (de la seigneurie) de Séderon moyennant l’obligation de dépenser dans les 18 années suivantes la somme de 12000 florins pour la construction de la tour du château  ». Antoine de La salle revendit la seigneurie de Séderon en 1439 à Pierre de Mévouillon  ». [13]
Quelques décennies plus tard, Antoine de Boche, Seigneur de Vers épousa en 1505 Anne Adémar fille de Charles, Baron de la Garde. Leur fils, Joseph de Boche, Seigneur de Vers et de Sederon épousa en 1527 Marguerite de Quiqueran. Leur fils fut Jacques de Boche Seigneur de Vers et de Séderon, Baron des Baux, Chevalier de l’Ordre du Roi, Capitaine de cent hommes d’armes de ses ordonnances, son conseiller & Grand Sénéchal de Beaucaire, & de Nîmes, & Viguier de Marseille [14]. Il épousa Geneviève Delhène en 1578 de laquelle il n’eut point d’enfants. «  Ainsi finit cette branche, dont les biens passèrent alors dans la maison de Sado & de celle-ci dans celle des Astoauds, Seigneurs de Murs qui ont eu par là les Terres de Vers & de Cederon  » [15]. En effet, Jean d’Astoaud II, Seigneur & Baron de Murs épousa en 1609 Jeanne de Sade, fille de Michel Baron de Romanil & de la Goy & Honorée Boche de Vers (sœur de Jacques de Boche). Ils eurent plusieurs enfants dont Jacques d’Astoaud. Jacques d’Astoaud épousa Madeleine de Jarente avec qui il eut plusieurs enfants, dont Jean d’Astoaud III. Ce dernier, Baron de Murs & de Romanil, Seigneur de Séderon &c. appelé Marquis de Murs, épousa en 1666 Marie de Thézan de Venasque. Ils eurent plusieurs enfants dont Jean-Baptiste François d’Astuaud. Ce dernier, Marquis de Murs, était Baron de Romany, Seigneur de Séderon, de Lioux et autres places. «  Il comença de servir dans la première Compagnie des Mousquetaires de la Garde du Roy, d’où il sortit avec une Compagnie de Cavalerie dans le Régiment de Noailles-Marquis  ; servit en cette qualité pendant sept ans, se trouva au combat de Valcourt en, 1691 sous le Maréchal d’Humieres, à celui de Leuse & à la bataille de Fleurus en 1692. Il se maria en 1711 avec Eléonor de Castagneres (…) (signa l’arrentement de sa seigneurie de Séderon en 1716 avec Louis Bonnefoi) et eut un fils, Jean-Pierre d’Astoaud, appelé Marquis de Sederon, ci-devant Mousquetaire dans la première Compagnie où il entra dès 1733 (…).16 Enfin, Jacques Second acquiert le 21 juillet 1755 la seigneurie de Séderon. Mais ça, c’est une autre histoire…
Romain Dethès