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L’Essaillon
« Entre la Tourre et lou Crapoun,
I a moun païs, qu’ei Sederoun »
Alfred Bonnefoy-Debaïs

Etudier, préserver et faire connaître le Patrimoine Historique, Naturel et Culturel de Séderon et de sa Région

L’agenda de l’année 1923 – Bernard Marcel (9)
Neuvième partie – du 10 juillet au 5 août
Article mis en ligne le 2 janvier 2018
dernière modification le 13 octobre 2021

par BERNARD Marcel

Durant l’été, le meunier est surtout un jardinier et un paysan. D’ailleurs, en cette saison, combien faut-il d’heures, voire de jours, pour que l’écluse se remplisse ? Et si l’eau est rare, ne faut-il pas la réserver pour l’arrosage des plantations ?

Mardi 10 juillet
Le matin : j’achève de faire moudre les 153 K. de blé de Roux Fernand et je prépare une 15e de rames pour mettre à mes haricots
Le soir : A Séderon pour aller faire poinçonner le marc d’un kilog de ma bascule, prendre 4k500 de pain chez Espieu et y en payer 4 autres kilos, régler un compte avec Casimir Beauchamp – moi j’y devais 19fs 45 et lui me devait 10frs
Joseph le nouveau boucher me paye la mouture d’une balle de maïs 5fs
En arrivant, je bine 3 raies d’haricots soissons nains près du chemin du Paraire
Recettes : 15 fs
Dépenses : 20 fs 15

Mercredi 11 juillet
Le matin : Arrosage de 7 ou 8 rangées de pommes de terre qui vont de la terre de Beauchamp au petit carré de blé
Le soir : Je prépare toutes mes rames d’haricots et j’en pose aux haricots St Fiacre blancs qui sont près de l’écluse en dessus de l’enclos des volailles

Jeudi 12 juillet
Le matin : Je bine et j’arrose quelques pommes de terre Beauvais près de l’écluse
Le soir : Je ramasse un kilog de fleurs à mon tilleul contre la porte de la crotte et je repasse les pommes de terre que j’ai arrosées hier matin

Vendredi 13 juillet
Le matin : j’arrose 3 raies de pommes de terre institut de Beauvais puis avec la pioche je coupe cent-vingt rames d’haricots le long du torrent de Villefranche contre la terre en pointe de Raspail
Le soir : Morin Casimir me fauche mes deux morceaux de trèfle
Je prépare et j’épluche une soixantaine de rames que j’ai coupées ce matin et achève de ramasser mon tilleul 600 grammes qui restait

Samedi 14 juillet
Le matin : j’arrose sous mes haricots près de l’écluse en face du séchoir et j’épluche encore une vingtaine de rames d’haricots
Le soir : je sorts trois grosses brouéttées de fumier de devans la porcherie que je met dans la crotte en y charriant 5 gros sceaux de boue que je prend dans le canal de sortie
Puis je coupe 2 gros fagots de vieux roseaux pour appailler mes cochons
Ensuite je taille mes arbustes greffés l’année dernière
[Rien de plus pour un jour de fête nationale– les haricots réclament beaucoup de travail et les cochons n’attendent pas ! – nous ne saurons jamais s’il y a eu des célébrations spéciales au village]

Dimanche 15 juillet
Le matin : A Séderon pour m’aller faire raser (40 cent.), porter trois douzaines et demie d’œufs aux gendarmes dont deux douzaines au chef qu’ils me payent 4fs la douzaine
Je verse 18fs pour les retraites ouvrières et je paye mes 2 chemises que j’avais prises à Richaud à 16fs la pièce
Puis je prend pour 3fs 20 cent de pain chez L. Moullet et j’achète un kilog de poires et un paquet de céleri pour planter 1f. ainsi qu’une livre de tomates (1f.10) chez Cassan
Puis je paye 8fs à C. Jarjayes de divers articles
Je fais mettre une mèche à ma lanterne 25 cent et je prend un k. d’abricots
Le soir : je rentre 70 k. de fourrage de trèfle
Recettes : 14 fs
Dépenses : 68 fs 80

[Le dimanche n’est pas plus festif – c’est le seul jour où le Lilet va à Séderon, pour y régler ses d’affaires en cours – il ne prend même pas le temps de boire un verre : l’été, le travail presse.
Mais il verse 18 francs pour sa cotisation de retraite. Ça mérite deux mots d’explication :
C’est la loi du 5 avril 1910 qui avait organisé en France les premières retraites ouvrières et paysannes obligatoire pour les salariés. Le système s’était inspiré de l’exemple allemand instauré par Bismarck. Mais alors qu’en Allemagne l’Etat ne jouait qu’un rôle mineur, en France les cotisations salariales et patronales étaient complétées par des contributions étatiques.
La loi de 1910 fut l’une des premières mesures de l’Etat providence en France.

Pourtant le Lilet n’était pas un salarié. Pour comprendre son cas, il faut se reporter à l’article 36 de la loi qui autorisait « les fermiers, cultivateurs, artisans et petits patrons » à cotiser de manière facultative.
Ce même article 36 avait fixé la cotisation maximale à 18 francs. On voit par là que le tarif fixé en 1910, malgré les années de guerre et l’inflation qu’elles déclenchèrent, n’avait pas évolué en 1923… on verra plus loin que ça correspond au prix de 4 douzaines d’œufs…
Le paiement se faisait par l’achat de timbres, qu’il fallait coller sur un carnet
]

Lundi 16 juillet
Le matin : Je plante 12 plants de céleris, une centaine de poireaux et 65 choux devant l’étable et je les arrosent en prenant l’eau dans le canal de sortie
Le soir : J’épluche une 40e de rames puis je les posent à mes haricots Soissons contre le pré de Morin dans le vallon.
A la veillée : je fais une lettre à Melle Gabrielle à Laborie par Eygalayes que je ne porterai à la Poste que demain.
[Lundi dernier, ils passaient la veillée ensemble. Après une semaine, le Lilet écrit à Melle Gabrielle… et se garde encore une nuit de réflexion avant de poster…]

Mardi 17 juillet
Dans le cours de cette journée, je fais moudre 28 kilogs de blé pour Bordel Adolphe
A la veillée : A séderon pour porter la lettre faite hier soir et apporter pour 1f.25c. de pain de chez Espieu
Dépenses : 1f 25

Mercredi 18 juillet
Le matin : à la prise d’eau pour aller reboucher le barrage avec de la terre sèche
Le soir : J’arrose le pré de contre l’écluse et je retourne à la prise pour faire comme ce matin
Je vend 5 k. d’épeautre à Vidal Henri de Pelleret qui me la paye 1fs 50 le kilog.
A la veillée : J’arrose les pommes de terre en dessus le sentier qui va au Paraire
Recettes : 7fs 50c.

Jeudi 19 juillet
Le matin : Je bine et j’arrose en même temps les pommes de terre en dessus du couloir que j’ai fait pour les poules
Le soir : je sort 2 brouéttées de fumier de dedans la porcherie que j’entasse dans la crotte avec 3 sceaux de boue que je prend dans le canal puis je coupe des roseaux avec la hache pour appailler les cochons

Vendredi 20 juillet
Repos toute la matinée
Le soir : Je coupe une trentaine de branches d’osier que je plume de suite et je les pose à la raie d’haricots St Fiacre contre le grillage du couloir des volailles

Samedi 21 juillet
Le matin : J’arrose mes haricots soissons à rames dans le vallon en dessous le chemin du Moulin ainsi que mes carottes qui se trouvent au même endroit
Le soir : Je repasse mes haricots phénix de contre l’écluse et ceux que j’ai arrosés ce matin

Dimanche 22 juillet
Le matin : J’arrose mes haricots près de l’écluse en face du séchoir et ceux de Beauchamp qu’il a contre le Moulin
Le soir : A Séderon pour aller porter 2 douzaines et demi d’oeufs aux gendarmes qu’ils me payent 4fs la douzaine
Je prend pour 2 fs 65 de pain chez L. Moullet et un kilog d’abricots rosés 1fs 25 cent que je prend chez Bruis (le mutilé)
Recettes : 10 fs
Dépenses : 4 fs

© Essaillon

Lundi 23 juillet
La Ste Marie-Madeleine, c’était hier dimanche.
La foire de Villefranche n’a pourtant lieu que le lundi.
Jour de foire, de repos : il en profite pour boire une bière
Jour de joie : « je passe entièrement la soirée avec ma fiancée Gabrielle… ».
Elle a répondu oui à la lettre de lundi dernier.

Mardi 24 juillet
Le matin : Je moissonne une vingtaine de gerbes de blé près du champ de Bruis Isidore
Le soir : Je charrie 6 brouéttées de terre où j’ai moissonné ce matin que je prend au canal à la cime de l’écluse contre le poirier campanette

Mercredi 25 juillet
Le matin : Je bêche une vingtaine de mètres carrés où hier j’ai moissonné
Le soir : Je sème 100 grammes de graines de laitues où j’ai bêché ce matin puis je coupe une vingtaine de gerbes de blé contre le chemin du Moulin
Le fils de Espieu m’apporte 4 k. de pain que j’y paye 1f. 25 le k. ainsi que 4 autres kilos que je lui devais d’auparavant
Dépenses : 10 fs

Jeudi 26 juillet
Le matin : Je moissonne à la suite d’hier en dessous et contre le chemin du Moulin
Le soir : Je moissonne contre la terre de Bruis Isidore, je lie les gerbes et je fais 2 gerbiers

Vendredi 27 juillet
Dans le cours de cette journée je moissonne une cinquantaine de gerbes de blé contre l’écluse en dessus le chemin du Moulin, je lie les gerbes et je fais le gerbier
A la tombée de la nuit Mr Pous et sa famille sont venus chercher 1300 grammes d’haricots verts qu’ils me payent 2 fs 40 le kilog., pour 1f. de carottes et une douzaine d’oeufs 3 fs 50
Recettes 7 fs 50 c

Samedi 28 juillet
Le matin : Je moissonne en dessous le chemin du Moulin
Le soir : Je moissonne le morceau qui est contre le pré de Morin près du champ de Bruis Isidore
Je vend 5 œufs à Paul Lombard à 30 cent. pièce et 10 k. de pommes de terre early roses à Mr Pous au prix de 50 cent. le kilog.
Recettes 6 fs 50 c

Dimanche 29 juillet
Le matin : Je fais les 2 gerbiers de blé que j’ai coupés hier et j’arrose mes haricots phénix contre l’écluse
Le soir : A Séderon pour porter 3 douzaines d’œufs aux gendarmes qu’ils me payent 4fs la douzaine exepté M. Canton qui n’avait pas de monnaie
Je me fais raser, 80 cent. n’ayant pas payé l’autre fois
Je prend pour 4 fs 35 de pain chez Espieu - J’achète une courgette 75 cent. et un demi couple d’ails rouges à Cassan de Montbrun 2fs 25
Recettes 8 fs
Dépenses : 8 fs 15 c.

Lundi 30 juillet
Le matin : J’arrose les haricots près de l’écluse en face le séchoir
Mr Canton me paye la douzaine d’œufs que j’y ai portés hier
Le soir : Je coupe une trentaine de gerbes de blé dans le vallon contre le pré de Morin
Recettes 4 fs

Mardi 31 juillet
Le matin : Je coupe 25 gerbes de blé au même endroit qu’hier soir, je ramasse les gerbes coupées hier et je fais un gerbier
Le soir : J’achève de moissonner
A la veillée : les gendarmes Mrs Canton et Frégière me vienne boucher et cacheter une douzaine de bouteilles de vin rouge de celui que j’ai fait venir dernièrement de chez Gaufrès de Vergèze.

Mercredi 1er août
Le matin : Lambert Elie me vient faucher le petit pré de contre l’écluse et j’y paye entièrement ce que j’y devais s’élevant encore à cent-quatre vingt francs
Le soir : J’ouvre une ouverture à l’écluse pour pouvoir mieux arroser et je cure le petit canal de contre le pré près du champ de la meunière du plus haut moulin
A la veillée : Je vais chercher 15 k. de gros son au Plus Haut Moulin
Dépenses : 180 fs

Jeudi 2 août
Le matin : J’arrose les haricots et les potirons contre la terre de Beauchamp et quelques raies de pommes de terre contre les haricots
Le soir : A la prise d’eau pour y aller enlever des saletés

Vendredi 3 août
Le matin : Arrosage de mes haricots soissons à rames de devant le vallon contre le pré de Morin et quelques raies de pommes de terre contre l’amandier
Le soir : Je nettoie la porcherie ; j’appaille mes cochons et j’entasse le fumier dans la crotte avec 2 brouéttées de boue puis je rentre 65 kilogs de regain que m’a coupé Elie Lambert avant-hier matin

Samedi 4 août
Le matin : J’arrose 15 plantes de courges près de l’écluse et du pré de Morin, j’y met un gros sceau d’eau et 2 petits arrosoirs à chaque plante
Le soir : Je vais moissonner une vingtaine de gerbes d’avoine pour Pellat Emmanuel et en arrivant j’arrose des pommes de terre contre le gazon nouvellement défriché

Dimanche 5 août

© Essaillon

Le Lilet, fournisseur en œufs de la Gendarmerie : ses prix augmentent, la douzaine passe de 4 à 4,50 francs.
Pour Sully Bernard, ce sera 4 francs les 9 !

Les commerçants :

  • C. Jarjayes
  • Plaindoux, qui vend des abricots du pays et des lacets de soulier
  • Monsieur Larmagnac !
    Il est rare que le Lilet donne du « monsieur ».
    L’acheteur de haricots doit être quelqu’un de haut placé pour y avoir droit.
    [Fin de la 9ème partie]