Bandeau
L’Essaillon
« Entre la Tourre et lou Crapoun,
I a moun païs, qu’ei Sederoun »
Alfred Bonnefoy-Debaïs

Etudier, préserver et faire connaître le Patrimoine Historique, Naturel et Culturel de Séderon et de sa Région

Des Souvenirs d’enfance
Article mis en ligne le 1er juin 2017
dernière modification le 28 décembre 2019

par CHARROL Jean-François

La Cueillette de l’Hysope

L’hysope est une plante vivace de la famille des labiacées, croissant dans les rochers arides des pays méditerranéens. La fleur se présente sous la forme d’un épi violet.

Au début des vacances scolaires mes camarades et moi décidions de former un petit groupe pour aller à la cueillette de l’hysope dans les rochers du Crapon et quelquefois sur les pentes de la Tour. Monsieur Arnaud, le maréchal-ferrant qui avait son atelier au pied de la Tour redoutait que notre marche fit rouler des pierres vers ses installations. Il criait : « esperes, vaou vou faïre descendre ! » [« attendez, je vais vous faire descendre ! »] ; sa voix n’était pas trop méchante. D’ailleurs il n’y avait pas énormément d’hysope dans ce secteur.

Nous aimions surtout la chercher dans les roches du Crapon, un endroit plutôt dangereux que je n’aimais pas mais où on en trouvait beaucoup. Le problème était de tenir les brins de la fleur cueillis dans sa main, tandis que l’autre servait d’appui pour garder l’équilibre. Au bout d’un certain temps de cueillette, il fallait réunir les brins en les attachant solidement de façon à ne pas en perdre.

Munis de nos bouquets nous redescendions vers le village pour en offrir et en vendre aux amateurs. Nous avions un client important en la personne de Camille Jullien, horloger dans la Grand Rue, qui nous achetait de gros bouquets. Il préparait une liqueur dans une bouteille contenant de l’alcool, y plongeait des fleurs à longues tiges qui macéraient pendant un certain temps. Il nous faisait goûter de la liqueur préparée l’année précédente ; nous voyions dans la bouteille qu’il nous présentait fièrement les fleurs anciennes plongées dans l’alcool. Ce breuvage nous paraissait très fort compte tenu de notre jeune âge ; nous étions très fiers qu’on nous en offrît.

Nous en vendions aussi à certains commerçants qui étaient intéressés.

Nos parents en gardaient un bouquet pour la consommation familiale ; ils confectionnaient des tisanes que nous prenions après le repas afin de faciliter la digestion.

La cueillette de l’hysope revenait chaque année pendant les vacances d’été. C’était l’occasion de faire plaisir, mais aussi de gagner quelques sous pour acheter des billes !!

Des Fraises et des Framboises

Autre récit de cueillette, sur la montagne du Tay

Nous partions de bonne heure le matin, marchions sur la route nationale jusqu’au hameau de la Tuilière car c’était l’endroit où l’on pouvait franchir facilement la Méouge. Nous traversions un pré en piétinant l’herbe verte au grand désespoir du propriétaire ; nous trouvions le sentier grimpant au flanc de la montagne du Tay. Je redoutais particulièrement la vue des couleuvres qui s’enfuyaient vers le bois à notre passage. Nous savions que des vipères cachées habitaient ces lieux et notre marche devenait plus rapide.

Arrivés sur une sorte de plateau nous découvrions avec joie les fruits que nous recherchions ; alors la cueillette commençait… chacun portait un petit panier d’osier pour y placer sa récolte. Etant donné qu’à la descente les paniers étaient secoués, les fruits s’écrasaient parfois. C’est la raison pour laquelle certains cueilleurs plaçaient les framboises dans un arrosoir, ainsi le jus était conservé jusqu’à l’arrivée à Séderon.

Un jour, nous avons rencontré dans la rue la mère de M. Estellon qui nous a interrogé sur l’abondance de notre cueillette : « n’i a d’ampes ? ». René Guilliny toujours farceur répondit : « n’ia quaucune su quauque fau ». « qué sies besti ! » [« y a-t-il des framboises ? – il y en a quelques-unes sur quelques hêtres – que tu es bête ! »].

Chacun de nous apportait son panier ou son arrosoir dans sa famille ; alors la mère préparait les confitures dont nous nous régalerions

Pour la Pluie

Je n’ai pas vécu l’histoire que je raconte, elle m’a été rapportée par Pedro Rodriguez, un réfugié venu avec sa famille à Séderon au moment de la guerre d’Espagne.

Après une année d’exceptionnelle sécheresse quelques séderonnais ont émis l’idée d’un pèlerinage pour la pluie. Des hommes et des femmes se sont rassemblés sur un terrain proche du Patronage.

Ils espéraient atteindre, en passant par le pied de Beauregard, une vieille chapelle en partie détruite dite « de la Vierge », située sur la montagne de la Tour.

A peine le groupe avait-il pris le départ que des gouttes de pluie commencèrent à tomber. Nos pèlerins se hâtèrent alors en pensant pouvoir s’abriter dans la chapelle ; hélas, comme l’averse tombait drue, ils cherchèrent en vain s’il restait un coin de toiture.

Le groupe se dirigea avec des vêtements trempés vers la descente au village en riant carleurs vœux avaient été exaucés prématurément.

Jean-François Charrol
transcription de Danielle Long