A côté du titre Lou Trepoun, on trouve ces deux vers :
« Se se muravo lou Trepoun
Farié pas fre dins Sederoun »Frédéric Mistral, Le Trésor du Félibrige
Malheureusement, dans ces quelques mots il y a :
- Une erreur : Mistral n’est pas l’auteur de ces vers, bien qu’ils soient dans son dictionnaire
- Un mot dont le sens est douteux : Trepoun
Explications :
Dans le Trésor du Félibrige, on trouve le nom de notre village sous les formes suivantes (tome 2 p. 865) : « SEDEROUN, bas latin Sederonum, Sedaronum, Sedero, Sedaro, nom de lieu, Séderon (Drôme) voir trepoun » (c’est moi qui souligne).
Mais allons voir l’article trepoun ! Au tome 2, p. 1041, on trouve :
« TREPOUN, trepounch (languedocien), trapounch (dialecte des Alpes), italien, trapunto. Substantif masculin. » « Piqué, travail fait à l’aiguille ou à l’alène ; reprise ». Faire de trepoun, « piquer des semelles »
« Voudriès bessai que moun aleno
Se plantesso dins toun trepoun »G. Zerbin
Et ensuite, « Proverbe : Se se muravo lou Trepoun, Farié pas fre dins Sederoun
« Le trepoun est un rocher entr’ouvert qui laisse passer le vent à Séderon (Hautes-Alpes) [sic] »
Plusieurs remarques sur ces quelques lignes :
- dans les 2 vers de Zerbin, il est visible que les mots aleno et trepoun ont un sens figuré qui pourrait blesser la pudeur si on les traduisait en français courant, par exemple en argot…
- le soi-disant proverbe est évidemment anonyme ; il n’est pas de Mistral !
- placer Séderon dans les Hautes-Alpes, après l’avoir correctement situé auparavant, montre que tout cet article a été rédigé avec une certaine désinvolture.
- si, dans le proverbe, on conserve son sens « propre » de semelle piquée, la phrase tourne au charabia : en effet, le verbe mura [1] signifie « monter un mur », « fermer » ; d’où la traduction mot à mot : « s’ils (ou « si elles ») se fermaient la semelle, etc.! c’est vraiment n’importe quoi !
- par contre, si Trepoun est le nom d’un rocher qui laisse passer le vent, alors la phrase devient compréhensible – à ce détail près que le rocher en question ne s’est jamais appelé Trepoun et qu’il s’agit de l’Essaillon.
Cette accumulation, en si peu de lignes, de pareilles erreurs et confusions est vraiment regrettable, et prouve que Mistral n’a pas toujours pris le temps de relire ses notes, ou celles qu’on lui communiquait.
J’en étais là de mes réflexions quand le début du conte de l’Aliscaire donne l’explication de tout cet embrouillamini (voir p.23 du bulletin de juin 2008) : dans le vrai proverbe on lit Essailloun à la place de Trepoun !
Qui s’est amusé à « emprunter » cette citation en la déformant ? Mistral ? Ou plus vraisemblablement un de ses correspondants ? En tout cas, pour nous, il vaudrait mieux reprendre le vrai proverbe et préciser qu’il se trouve chez Alfred Bonnefoy-Debaïs, non chez Mistral.
[André Daspre avait sans doute écrit ce texte juste après la publication du Trepoun n°44-juin 2008 contenant le conte « l’Aliscaire de Sederoun » – Dès le n°45, la nouvelle couverture de notre bulletin rendait à Bonnefoy-Debaïs ce qui lui appartenait…]