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L’Essaillon
« Entre la Tourre et lou Crapoun,
I a moun païs, qu’ei Sederoun »
Alfred Bonnefoy-Debaïs

Etudier, préserver et faire connaître le Patrimoine Historique, Naturel et Culturel de Séderon et de sa Région

Lou Cantoun Prouvençau
Article mis en ligne le 1er décembre 2018
dernière modification le 19 août 2022

par POGGIO André

Nostro cantoun continuo l’óumenagi a Victor Morel, amé très istourieto que vous ai chausido. Coumençan pèr l’arrousadou de Vaurias, que Lou Pastras l’a escricho en 1966, au bèu tems quand, lou travai acaba, bèure un pichot cop n’ero enca qu’un pecat mignoun :

L’arrosoir de Valréas

… C’était le jour où Tonin, de Valréas, avait « la batteuse ». Vous savez tous que la journée de la batteuse n’est pas un jour de noces ! c’est une journée de peste !

Il est passé le temps où nous foulions tranquillement avec la mule et le rouleau, sur l’aire !

Aujourd’hui, au plus vous avez de l’outillage et des machines au plus vous avez de travail… au plus vous êtes dépourvu !

Tonin espérait la batteuse le lundi. Et oh, la batteuse ne s’amena que le jeudi ! les femmes de Tonin en avaient l’estomac noué. Les femmes de Tonin avaient, tout au long du dimanche, plumé poulet, poulette. Les femmes de Tonin s’étaient mises en quatre pour préparer la tablée du lundi. Et vous savez que les batteurs n’avalent pas que de l’ail ou de l’oignon !

Et la batteuse ne s’amena que le jeudi ! pour comble de malheur, ce jeudi-là, le caganis de Tonin avait la cagagne… une cagagne spectaculaire. Et la belle-mère de Tonin avait des vertiges.

« ah, nous sommes comblés, marmonnaient Tonin et sa Tonine. Nous sommes comblés ! la batteuse, la cagagne, les vertiges. »

A peine, à peine la petite aube pointait à la pointe du Ventoux quand la batteuse s’amena. D’entendre le tintamarre de la batteuse, tous les 7 enfants de Tonin, et bien sûr son petit dernier malgré sa cagagne, se mirent à s’agiter pour sortir du lit et aller regarder la batteuse.

« Tonnerre de boiteux [1], s’esclaffa Tonin, il ne manquait plus que cette marmaille pour nous gêner toute la journée ! »

Quand Tonin vit dévaler même son caganis, il enragea et lui cria, en ouvrant des yeux comme le poing : « toi, fous-moi le camp d’ici ! et vite ! que je te vois plus ! va-t’en vite, vite te cacher avec ta cagagne ! »

Alors le caganis, tout gonfle, se mit à gueuler et alla se cacher derrière… l’arrosoir !

Et zou, la batteuse en train ! et zou, volent les gerbes, volent les fourches, volent les tranchets, les sacs, les bourras, les balais, vole la paille, vole la poussière !

Dans la cuisine, Tonine faisait voler les plumes, les casseroles, les pots, les poêles, les plats, les assiettes, les fourchettes, les couteaux.

Et la pauvre grand-mère, [2] sur les coussins de sa chaise, avec ses vertiges, toute la matinée en train de vomir !

Enfin midi arrive ! midi et le pastis !

Tounin verse l’aoéro dans les verres des batteurs qui crevaient de soif. Tonin attrape l’arrosoir… l’arrosoir qui avait servi de cache au caganis.

Et alors arrive ce qui devait arriver : l’arrosoir ne coulait pas et pourtant il était bien plein ! du tuyau, pas la plus petite gouttelette d’eau !

« oh ! fan de chichourlo [3] ! quelle saloperie d’arrosoir c’est là ! que diable m’arrive-t-il encore ! » criait Tonin en trempant la main dans l’arrosoir. Et Tonin en sortit… la culotte de son caganis !

« oh gusas de noum [4] ! Quelle charogne ce petit, où est-il allé foutre sa culotte ! » s’exclama Tonin en brandissant en l’air la culotte toute colorée couleur de crème Chantilly. Mais ce n’était pas de la crème Chantilly.

Et comme Tonin allait tout de même verser l’eau de l’arrosoir dans les verres, les batteurs l’arrêtèrent en lui criant : « Tonin, Tonin, ne verse pas ! nous boirons ton pastis sans eau ! nous n’avons plus soif maintenant ».


la grano de coucoumbre : e a passa tems, quand lou divendre falié pas manja de viando, qu’se souvèn ? lou bèu premié, lou curat devié douna l’eisèmple…

La graine de concombre

Le brave abbé Faravel, de Valréas, était un saint homme. Il aimait bien le Bon dieu, et aussi la galéjade. Toutefois, il ne se laissait pas marcher sur les pieds.

Un vendredi, l’abbé était invité à manger dans une maison où, le vendredi, on faisait exprès de manger de la viande autant qu’on pouvait en manger ! on n’y aimait pas la morue ! ni les sardines ! encore moins les poireaux !

Et on fit exprès d’inviter notre abbé un vendredi pour lui jouer un bon tour.

Quand l’abbé entra dans la maison, et même avant d’entrer, il eut le nez rempli d’un fumet de fricassée, de roti de porc. L’abbé eut vite compris !

Quand l’abbé se fut assis à table, la femme apporta la soupe d’épeautre. Dans cette soupe, nageait un beau murson !

Et notre abbé, avec son air rieur, attrapa le gros murson des deux mains, braqua ses deux yeux bien sur lui et s’exclama : « oh le joli concombre ! oh qu’il est beau ce concombre ! oh que ce concombre est gros ! des concombres comme celui-là… je n’en avais jamais vu ! ce concombre est une merveille ! tiens, voyons, il faut le garder pour graine ! »

Et l’abbé Faravel enfourna le “concombre” dans la poche de sa soutane, se lèva de table, prit la porte en disant : « mangez la soupe d’épeautre… moi, je vais vite semer le concombre ! »


Quàuquis annado plus tard, en 1976, Morel parlara enca de soun ami lou canounge Béchet :

Les cloches

A Mirabel, la fête votive est, chaque année, la grande fête pour les petits, pour les grands. Joie de se retrouver entre parents, autour d’une table engageante, joie de se retrouver entre amis, joie de la retraite aux flambeaux, joie des danseurs, joie des cafetiers, des forains, des manèges et aussi joie du merveilleux feu d’artifice.

Cette année la fête a commencé le samedi 4 septembre et s’est achevé le mardi 7. Le lendemain, mercredi, c’était la grande Fête de la naissance de Notre-Dame avec le pèlerinage à la si jolie chapelle de Notre-Dame de Beaulieu, suivant la si chère tradition. Cette année, à la messe de dix heures, c’est le brave chanoine Léon Bechet qui nous a tant fait plaisir et ému avec son prêche en lengo nostro. Il faut dire que notre aimable chanoine a de qui tirer : son père fut un parfait Majoral du Félibrige et, surtout, un saint homme de Dieu.

Donc, ce mercredi 8 septembre, sur le coup de neuf heures, les cloches sonnèrent pour fêter Notre-Dame et pour annoncer la messe du pèlerinage à Notre-Dame de Beaulieu.

Et voilà qu’en entendant les cloches, le jeune Patrick demanda à son pépé : « oh Pépé, pourquoi les cloches sonnent ? c’est pour annoncer le départ des manèges ? »

Présentation et Traduction d’André POGGIO