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L’Essaillon
« Entre la Tourre et lou Crapoun,
I a moun païs, qu’ei Sederoun »
Alfred Bonnefoy-Debaïs

Etudier, préserver et faire connaître le Patrimoine Historique, Naturel et Culturel de Séderon et de sa Région

Quand nos ancêtres allaient chez le juge ou le notaire
Article mis en ligne le 1er décembre 2018
dernière modification le 19 août 2022

par DETHÈS Romain

1766 – Jacques de Second, Seigneur du lieu de Sederon

Nous continuons d’explorer la vie des habitants de Séderon et du canton en publiant des transcriptions d’actes de notaires ou de juges de paix [1]… Nous vous proposons de découvrir un acte d’enregistrement d’une créance [2] concernant le dernier seigneur de Séderon…

Ce jourd’huy 27e fevrier avant midy année 1766 pardevant nous notaire héreditaire de cette ville et vallée de Sault soussigné et presents les temoins en bas només ; est comparu Maître Estienne Signoret officier exploitant par tout le siege dudit Sault, lequel nous a dit et exposé avoir pouvoir et charge verballe de Mr Jacques de Segond Ecuyer Seigneur du lieu de Sederon – conseiller secretaire du roy maison couronne de France hounoraire en la cour des comptes aides et finances de ce pais de Provence, résident au lieu de Beausset – de faire proceder pardevant nous a l’enregistration d’une ecriture privée du 21 may dernier consentie au profit dudit seigneur de Segond par sieur Gaspard Cassan marchand facturier en laine [3] resident en cette dite ville de Sault de la somme de 240 livres, laquelle somme se devoit payer le 28 octobre de l’année 1765. Et comme ledit sieur Cassan na pas acquitté icelle somme dans le tems porté par ladite ecriture privée, ledit seigneur de Segond se seroit pourvu pardevant Mr le juge ordinaire de cette dite ville par exploit du 14 janvier dernier et ensuite par requette du 18 du courant, a l’encontre dudit Cassan pour reconnoitre son seing mis au bas de la susdite ecriture privée, et pour voir dire et ordonner qu’elle devoit être tenue pour advérée et recognüe et icelle enregistrée riere le premier notaire requis. Ce qu’ayant eté ordonné ensuite de ladite requette, le 25 du courant par Mr le viguier de cette dite ville et vallée par son ordonnance dudit jour ledit Signoret nous requiert en vertu d’icelle de proceder a la dite enregistration et de luy conceder acte son dire et requisition ce que je luy ay accordé, et avons procedé a ladite enregistration ainsy que sensuit.

Je reconnoits de devoir et promet payer a monsieur Segond seigneur de Sederon ou a son ordre la somme de 240 livres que j’ay reçu de luy en especes de cours, laquelle somme je promet luy rembourser le 28 octobre prochain venant a peine de depens. Fait a Sederon le 21 may 1765. Signé G. Cassan a l’original

Controllé a Séderon le 13 janvier 1766 : reçu 1 Livre Tournois, 19 Sols, 6 Deniers. Signé Reynaud.

Et ainsy a été procédé a la dite enregistration par nous notaire soussigné et ay concedé acte audit Signoret que fait et publié a été en cette dite ville de Sault dans la maison et étude de nous notaire en presences de Jullien Amic garcon cordonnier resident en cette dite ville et de sieur Jean François Augier fils de sieur Jean aussy de cette dite ville temoins requis et signés avec ledit Signoret.

Augier fils
J Amic
E Signoret
Bonnefoy notaire
Pour la petite histoire : Le dernier seigneur de Sederon était « Mr Jacques de Segond Ecuyer Seigneur du lieu de Sederon, conseiller secretaire du roy maison couronne de France hounoraire en la cour des comptes aides et finances de ce pais de Provence ». Un article consacré à sa vie, l’histoire de sa famille et sa généalogie écrit par Philippe Chatenoud a été publié dans le numéro 40 du Trepoun. Mais quelle était la fonction de ce « conseiller secrétaire du roy » ?

Si à l’origine, « l’écuyer » désignait un gentilhomme qui accompagnait un chevalier et portait son écu, à l’époque de Jacques de Segond, il s’agissait d’un rang, titre porté par les anoblis [4]. La fonction de « conseiller secrétaire du roy » elle, pouvait revêtir différentes réalités et prérogatives. En effet, les « Secrétaires du Roi, maison et couronne de France », appelés à l’origine « clercs-notaires et secrétaires du Roi », et plus tard, « conseillers, secrétaires du Roi, maison et couronne de France et de ses finances », appartenaient à la grande chancellerie, et les « conseillers-secrétaires du Roi, audienciers, contrôleurs ou référendaires » étaient attachés à une cour souveraine [5]. Le secrétaire du roi était « un officier établi pour signer les lettres qui s’expédiaient dans les grandes et petites chancelleries, et pour signer les arrêts & mandements (ordres royaux destinés aux autorités locales) émanés des cours souveraines [6] ». Les chancelleries étaient les lieux ou l’on scellait les lettres pour les rendre authentiques. Il y avait des chancelleries civiles, ecclésiastiques… La Grande Chancellerie était occupée par le Chancelier du roi, chef de la justice et de tous les conseils du Roi. La Chancellerie d’Aix ou de Provence, où Jacques Segond de Séderon exerça sa fonction, fut établie en 1501.

Cette charge permettait d’accéder à de nombreux privilèges : exemption d’aides de gabelle, de logement des gens de guerre, de guet, de garde et de péages… Mais surtout, la charge de secrétaire du roi, achetée « à prix d’or », conférait la noblesse personnelle dès l’entrée en fonction et la noblesse héréditaire – transmissible à ses descendants – après vingt ans d’exercice. D’ailleurs, une plaisanterie qui courait à l’époque sur ces offices et charges achetés pour acquérir la noblesse disait : « si notre ancêtre Adam auroit acheté une charge de secrétaire du roi, alors tous les hommes seroient gentilhommes »…

Romain Dethès