2018 a permis aux Français de se souvenir de la 1e Guerre Mondiale à travers l’ensemble des manifestations nationales et locales du Centenaire 1914-1918 auxquelles nous n’avons pas failli grâce à notre exposition estivale.
Voici une autre manière de se remémorer les difficultés de la vie des civils.
Le travail d’inventaire des archives municipales de Séderon m’a appris, à travers plusieurs documents, que des réfugiés avaient été accueillis durant la dernière année de la 1e Guerre Mondiale.
Familles ou individus seuls ? Quels événements de 1917 ont pu pousser à l’exode des personnes venues de l’Aisne ? Pourquoi avoir choisi un refuge dans une région aussi éloignée et de langue si différente ? Quel accueil leur a-t-il été réservé ?
Je vous propose de partager les éléments de réponse que j’ai pu réunir.
Les Évacués [1]

[fond or]1. fond or] Essigny-le-Petit (Aisne)
[fond or]2.[/fond or] Saint-Quentin (Aisne) [fond or]3.[/fond or] Tergnier (Aisne) [fond bleu ciel]4.[/fond bleu ciel] Fresnes-sous-Coucy (Aisne) [fond orange]5.[/fond orange] Folembray (Aisne) |
[fond violet][neige]6.[/neige][/fond violet] Condé-lès-Vouziers (Ardennes)
[fond violet][neige]7.[/neige][/fond violet] Chauny (Aisne) [fond gris][neige]8.[/neige][/fond gris] Grand-Quevilly (Seine-Maritime) [fond orange fonce][neige]9.[/neige][/fond orange fonce] Leuze (Aisne) |
Premier groupe de réfugiés
L’entête du « Service des Réfugiés de la Drôme » nous laisse supposer qu’ils ont été regroupés à Leuze (Aisne) dont ils sont partis le 7 janvier 1918 pour traverser la France jusqu’à Séderon. On ne dispose que de très peu d’indications sur leurs conditions de voyage : à pied, par convoi, transport…
« Évacués arrivés à Séderon le mardi 5 février 1918 ».
- Lemaire, femme Hélin, Marthe née le 21-04-1874 à Essigny-le-Petit, arrondissement de Saint-Quentin, matelassière à Tergnier, venant de Leuze (Aisne) ; partie le 7 mars chez Mme Simonet 56 bd La Chappelle Paris 18°.
- Hélin Jeanne née le 14-07-1896 à Tergnier y domiciliée, venant de Leuze ; partie le même jour que sa mère citée plus haut.
- Hélin Renée, née le 04-01-1917 à Tergnier ; partie le même jour que sa mère citée plus haut.
Marthe Lemaire a épousé Arthur Emile Hélin, ajusteur, le 22-12-1898 à Tergnier. Ils ont eu d’autres enfants qui – bien qu’ayant survécu au conflit – ne font pas partie de l’exode : Madeleine Suzanne Marthe (1894-1955) et Raymonde Marie (1898-). (Source : Généanet)
- Douvry, femme Boileau, Louise née le 09-03-1872 à Fresnes-sous-Coucy, manouvrière à Folembray ; venant de Leuze (Aisne) ; partie le 14 mars 1918 chez Mme Boileau Suzanne 99 rue des Maraîchers Paris 20°.
- Paquil, femme Macadré, Yvonne, née le 04-12-1888 à Condé-lès-Vouziers (Ardennes), domiciliée à Chauny, venant de Leuze (Aisne) ; partie le 23 février 1918 chez son beau-frère Macadré, Grand-Quevilly côté Saint-Gobain (Seine Inférieure).
- Macadré Pierre, né le 02-04-1917 à Leuze (Aisne) ; venant et parti le même jour avec sa mère.
A noter que la petite Renée Hélin est âgée d’à peine plus d’un an et que Pierre Macadré n’a que 10 mois. Bien jeunes pour supporter un si long voyage !
Pierre Yvon Macadré participera à la IIe Guerre Mondiale sur la Base Aéronautique Navale de Dakar. Mort accidentellement en service le 05-07-1940 à l’aéroport de Medouina (Maroc). « Mort pour la France ». (Source : Généanet)
Le mémoire des frais engagés par la municipalité nous indique qu’ils ont été transportés depuis la gare du Buis à Séderon par Étienne Coullet.
Ils sont été hébergés à l’Hôtel des Voyageurs (Bonnefoy), du mardi 5 au vendredi 8 février, pendant que la mairie leur fait préparer un logement : Henri Imbert, maçon, répare 2 cheminées le 06-02-1918.
On leur fournit quelques meubles, de la vaisselle (Casimir Jarjayes) ; Arnoux Brie, Gustave Coste et Jullien ressemellent leurs chaussures ; Louis Beauchamp fournit du bois de chauffage ; Maria Plaindoux de l’épicerie et Aurélien Constantin de la vaisselle et des tuyaux de poêle ; tandis que Daniel Arvieu fournit 2 paires de chaussures pour femme.
Dès le 9 février, ils quittent l’hôtel et prennent possession du logement pour lequel Paul Amic remet 2 clés.
Apparaît également Gabert comme fournisseur, sans détail des biens donnés.
On a pu lire plus haut que Mme Macadré – et son nourrisson de 10 mois – n’a séjourné à Séderon qu’une quinzaine de jours pour repartir dès le 23 février 1918 rejoindre sa belle-famille au Grand-Quevilly en Seine Inférieure devenue Seine-Maritime.
Mme Hélin – et ses 2 enfants – est partie chez sa belle-mère à Paris le 7 mars 1918 après un séjour d’un mois à Séderon.
Quant à Mme Boileau – dont je n’ai pas retrouvé la trace – elle est restée jusqu’au 14 mars 1918 avant d’aller chez sa belle-mère à Paris. La seule facture personnalisée la concerne : Gustave Coste ressemelle et change les talons de ses chaussures le 24 février.
À noter encore que c’est Paul Sautel qui a été chargé de les ramener au Buis.
Second groupe de réfugiés

[fond jaune]1.[/fond jaune] Étreillers (Aisne)
[fond jaune]2.[/fond jaune] Montescourt-Lizerolles (Aisne) [fond jaune]3.[/fond jaune] Amiens (Somme) [fond bleu ciel]4.[/fond bleu ciel] Lamorlaye (Oise) [fond orange]5.[/fond orange] Aulnoye-Aymeries (Nord) |
[fond violet][neige]6.[/neige][/fond violet] Fluquières (Aisne)
[fond violet][neige]7.[/neige][/fond violet] Roupy (Aisne) [fond gris][neige]8.[/neige][/fond gris] Nesle (Somme) [fond orange fonce][neige]9.[/neige][/fond orange fonce] Gognies-Chaussée (Nord) |
« Évacués arrivés à Séderon le mardi 25 avril 1918, évacués d’Amiens ».
- Piot Julienne née Gossart, à Étreillers (Aisne) le 01-09-1878, domiciliée à Montescourt-Lizerolles (Aisne) ; mariée à Piot Stéphane né à Étreillers le 28-04-1878
- Piot Stéphane né à Étreillers le 24-12-1902
- Piot Julienne née à Montescourt-Lizerolles, le 10-12-1910
- Piot Paulette née à Amiens le 03-07-1917 (9 mois !)
- Blondiaux née Gossart Julie à Étreillers le 19-02-1875 domiciliée avec son mari à Fluquières par Roupy (Aisne) ; mariée à Blondiaux Henri, né le 24 mars 1878 à Roupy (Aisne)
- Blondiaux André, né le 07-10-1909 à Fluquières (Aisne)
« Évacués arrivés à Séderon le 11 août 1918 »
3. Gossart Andrée Virginie née Bellavoine à Drucat, Abbeville (Somme) le 07-11-1894, domiciliée avec son mari à Amiens ; mariée à Gossart Georges Henri né à Fluquières le 28-12-1899, mobilisé à Valence, vient de Courmesnil (Orne) ; évacuée d’Amiens.
-
- Gossart Andrée Reine Marguerite née le 10-04-1914 à Amiens (Somme)
« Évacués arrivés à Séderon le 17 août 1918 »
4. Gossart Jules Pierre Joseph, né le 08-10-1859 à Fluquières (Aisne) veuf de Dathy Louise Aurélia Hyacinthe ; vient de Savasse (Drôme), évacué d’Amiens.
On remarque immédiatement qu’il s’agit des membres de la famille Gossart qui sont regroupés à Séderon où ils resteront longtemps.
Julie Gossart est en réalité Marie Louise Julie, mariée avec Henri Joseph Firmin Blondiaux, tisseur.
Julienne Gossart épouse Joseph Amant Stéphane Piot, maçon, à Fluquières.
Toutes deux, ainsi que Georges Henri Gossart, l’époux d’Andrée Virginie Bellavoine, enfants de Jules Pierre Joseph Gossart tisseur, et de Louise Aurélia Hyacinthe Dathy, manouvrière, demeurant à Amiens (Somme) où elle est décédée le 29-09-1911.
Jules Pierre Joseph Gossart, dernier arrivé, est le père de cette famille très nombreuse de 17 enfants nés entre 1877 et 1899.
Trois des garçons de cette famille sont « Morts pour la France » en 1915 et 1916. Ce qui explique peut-être ce regroupement familial important.
Nous disposons d’un mémoire des premiers frais engagés.
C’est encore Étienne Coullet qui a assuré le transfert de Buis à Séderon et Bonnefoy qui les fait dormir 2 jours.
Les boucheries Moutin et Girard fournissent de la viande ; Gay (de Vers), des pommes de terre ; Marie Richaud « Nouveautés », 2 robes ; Tindille, une robe et sa garniture ; Coste un ressemelage ; Jullien, 1 paire de chaussures enfant et une casquette ; la maison Jacques Andréis fournit des robes, des tricots et des culottes pour enfants ; Monnard, de l’épicerie.
Cité sans détail : Casimir Jarjayes.
Un document important nous fait revenir au jour de leur arrivée.
L’instituteur et secrétaire de mairie, Roman, écrit dès l’arrivée du premier groupe de cette famille :
Monsieur l’Inspecteur d’Académie,
Il est arrivé à Séderon jeudi dernier 25 avril 1917 [2] les évacués d’Amiens, suivant :
1. Mme Piot née Gossart Julienne, née à Étreillers (Aisne) le 1° septembre 1878, domiciliée avant la mobilisation à Montescourt-Lizerolles (Aisne), mariée à Piot Stéphane né à Étreillers (Aisne) le 28 avril 1875, domicilié avec sa femme ; mère de Piot Augusta, née à Étreillers (Aisne) le 2 juin 1901, domiciliée avant la mobilisation avec sa famille.Mme Piot est arrivée à Séderon avec ses enfants.
- Piot Stéphane né à Étreillers le 24 décembre 1902,
- Piot Julienne née à Montescourt-Lizerolles le 17 décembre 1910,
- Piot Paulette née à Amiens (Somme) le 3 juillet 1917.
Mme Piot n’a plus eu de nouvelles de son mari et de sa fille aînée Piot Augusta depuis le 10 février 1917, date à laquelle elle a été rapatriée de Montescourt-Lizerolles à Lamorlaye (Oise) puis Amiens le 12 avril 1917.
Le 10 février 1917 M. Piot et sa fille Piot Augusta ont été enlevés par l’autorité allemande pour être amenés à Emery près d’Aulnay (Aulnoye-Aymeries). Au mois de juin 1917, ils étaient encore dans ce pays. Je vous prie Monsieur l’Inspecteur d’Académie de vouloir bien me dire s’il n’y aurait pas possibilité et les démarches à faire pour faire avoir des nouvelles de son mari et de sa fille à Madame Piot qui est très inquiète.
2. Madame Blondiaux née Gossart Julie, née à Étreillers (Aisne) le 19 février 1875, domiciliée à Fluquières par Roupy (Aisne) mariée à Blondiaux Henri né le 24 mars 1857 à Roupy, mère de Blondiaux Henriette née le 21 janvier 1898 à Fluquières.
Madame Blondiaux est arrivée à Séderon avec son autre fils : Blondiaux André né le 7 octobre 1909 à Fluquières.
Elle n’a plus eu des nouvelles de son mari et de sa fille aînée depuis le 13 février 1917, date à laquelle ils ont été enlevés par l’autorité allemande pour être amenés à Gognies-Chaussée où ils étaient encore au mois de juin dernier 1917. Depuis, Mme Blondiaux n’a plus eu de leurs nouvelles. Elle a été rapatriée avec son fils André d’abord à Nesle (Somme) le 22 février 1917 puis le 2 avril 1917 à Amiens.
Je vous prie, Monsieur l’Inspecteur d’Académie, de vouloir me dire les formalités à faire pour donner des nouvelles de son mari et de sa fille à Mme Blondiaux.
Je vous prie d’agréer Monsieur l’Inspecteur d’Académie, l’expression de mon profond respect.
Roman.