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L’Essaillon
« Entre la Tourre et lou Crapoun,
I a moun païs, qu’ei Sederoun »
Alfred Bonnefoy-Debaïs

Etudier, préserver et faire connaître le Patrimoine Historique, Naturel et Culturel de Séderon et de sa Région

Lou Trepoun 36
Les petits évènements qui ont ponctué la vie de nos ancêtres en 1702
Article mis en ligne le 5 octobre 2013
dernière modification le 13 décembre 2014

par DETHÈS Romain
Poursuivons notre voyage dans le temps pour approcher la vie quotidienne, les coutumes et les préoccupations des Séderonnaises et des Séderonnais qui vécurent il y a trois siècles de cela et voyons ce qui s’est passé dans notre village en cette année 1702…

Durant l’année 1702, on relève 55 actes dans les registres paroissiaux de notre village : 26 naissances, 4 mariages et 25 décès.

Parmi les naissances, on compte 15 filles et 11 garçons. Comme d’habitude, une grande partie des naissances (plus de 30 %) a lieu en janvier. Les prénoms à la mode en 1702 sont Marie et Marguerite pour les filles – quant aux garçons, cinq d’entre eux sont prénommés Jean.

Les 4 mariages recensés en 1702 ont lieu en janvier, février, juin et début juillet. Les mois de janvier et février correspondent aux mois entre l’Avent et le Carême périodes d’abstinence. Quant aux mois de juin et juillet, ils précèdent les travaux estivaux durant lesquels il n’est pas question de faire la fête. Nos jeunes mariés respectent donc à la lettre le calendrier religieux et la priorité des activités saisonnières.

Dans les actes de sépultures de nos registres paroissiaux en 1702, on recense 25 décès dont 13 femmes et 12 hommes. Les âges extrêmes au moment du décès vont de 4 jours à 70 ans. Plus de 25 % des décès concernent les enfants de moins d’un an et près d’une personne sur deux décède avant d’atteindre l’âge de 20 ans. Comme l’a écrit l’historien P. Goubert « il fallait deux enfants pour produire un adulte ». Certaines familles étaient parfois durement éprouvées. Des affections contagieuses emportaient souvent plusieurs enfants au sein d’une même fratrie. Ainsi en 1702, Joseph Jullien et son épouse Thérèse Manent perdent deux filles : Marguerite âgée de 7 ans décède le 15 juin et Thérèse âgée de 3 ans le 28 juin…

Les registres consulaires [1] nous livrent également des informations sur les évènements qui ont marqué la vie locale en 1702.

Les deux consuls du village sont alors Jean Louis Reynaud et Jean Morier [2] élus le 26 décembre 1701. Ils convoqueront 12 fois l’assemblée du village au cours de l’année 1702 pour traiter différentes affaires.

Dès le 14 janvier, le conseil aborde la question du poste vacant de trésorier. En effet, «  les précedans consuls mirent la tresorerie en la cher [3] par la fiche qu’il firent placarder sans que du despuis personne se soit presente  ». Les consuls sont donc chargés de «  faire continuer la criee et affiche pour le tresorier  ». Par ailleurs, le conseil a été informé du montant de l’imposition due par la communauté pour la courante année : 550 livres. Enfin, la communauté apprend qu’elle devra loger un détachement de 260 soldats sous le commandement de 2 capitaines, 4 lieutenants, 4 sergents et 2 tambours. Le boucher Jacques Laurens ayant renoncé à sa fonction, les consuls sont chargés «  de mestre la boucherie tant du restant de la courante année que de la suivante et en passer acte a celluy qui en fera la condiction meilheure a condiction qu’il fournira de viande pour ledict logemant comme aussy mettront en lachaire [4] des aujourdhuy la fourniture du pain, vin, fourrage et avoine nessaisair audict logemant pour recevoir aussy quil en fera condiction meilheur  ».

Le 19 janvier, le conseil note qu’après avoir «  faict afficher et crier par diverses foys » la charge de « fourniture du pain et de vin qui convient faire au logemant que ce lieu doit faire c’est presente seullemant Jean Dethès lequel cest offert de fournir le pain, le vin l’avoine et le foin pour ledict logemant savoir le pain pesant trente once deux sols et le pot de vin quatorse patans mesure et poids dudict Sederon et l’avoine a dix sols (…) et le foin a vingt cinq sols le quintal et parce qu’il ni a personne qui surencherisse et quil est necessaire d’establir pour ladicte fourniture  » la charge est «  bailhee audict Dethès  ».

Le 2 février, le conseil évoque l’urgence d’envoyer un représentant à la cour d’Aix pour «  travailler a la liquidation des despenses souffertes par la communauté au logemant des gens de guerre de l’annee derniere  » et «  pour deffandre au proces que la communautte a contre la communautte du lieu de St Vincent et Louis Bonnefoi du dict Sederon  ».

Le 12 février, les consuls Jean Louis Reynaud et Jean Mourier sont chargés de faire le nécessaire afin de trouver les fonds pour payer le ravitaillement (pain, vin et viande) de soldats qui vont faire étape à Séderon.

Le 15 mars, les consuls informent l’assemblée qu’ils ont reçu ordre de «  Monseigneur l’intendant  » de procéder à la répartition de la capitation [5] pour cette année. Ils sont donc chargés de «  faire nommer des personnes de probite  » pour effectuer ce travail. Sont donc choisis pour cette lourde tâche : le lieutenant de juge Louis Jullien, Joseph Reynaud, Dominique Bonnefoi, Gaspard Bonnefoi, Jean Jullien et Jean Reynaud.

Le 5 avril, Joseph Reynaud rend compte de la somme de 550 livres reçues des procureurs de la cour destinées au logement des gens de guerre de l’année précédente et de l’année en cours.

Le 17 avril, les consuls demandent au prieur de Séderon d’aider le village «  en adcystance de cause au proces que la communautte deffend contre monseigneur le vicaire pardevant le lieutenant de Sisteron aux fins  » qu’il soit «  condemner au tiers de la rante de maison curialle deppuy le temps quil a jouit jusques en l’annee 1695  ». Par ailleurs comme «  plusieurs habittants se plaignent des dhomages que les bergers fonct a leur bleds  », les consuls sont chargés de trouver un garde pour le bétail.

Le 14 mai, Anthoine Beauchan nommé garde du bétail depuis le 8 mai «  aux mesmes gages et condictions de l’annee derniere  » dénonce un certain laxisme du conseil préjudiciable au bon exercice de sa fonction. En effet, celui-ci «  rapporte qu’au moyen de la tollerance faicte par ci devant aux dellinquants de n’avoir pas ete poursuivis ni executtes pour leurs peynes a quoi a este negligé (…) ils ne font point destat de lui ni de tout ce quil peut faire.  » Le conseil décide donc d’appliquer le réglement, faute de quoi les «  dellinquants ne desisteront pas a faire de dommages  » et «  sans quoi il est inutile de comettre de gardes  ». Ainsi, tout contrevenant est amendé et en cas de non paiement, le garde pourra le «  faire gager au bestailh ou faire vandre pour son paiemant  ». Enfin, Thomas Guilhermin est proposé pour la garde du bétail à Saint-Baudile mais les gages qu’il demande semblent un peu excessifs (45 livres). Aussi, afin de trouver un autre candidat à de meilleures conditions, les «  consuls sont charges de metre les gages en l’ancher partout aujourdhui  ».

Le 5 juin, «  le Sieur Durant, regent des escoles desire de savoir sy la communautte le continuera en sa charge de regence sa tenue finissant au jour de la thoussaint prochain parce quil est demandé par dautres endroictz et ne veut pas laisser perdre l ‘occasion  ». Après délibération, le conseil de la communauté le reconduit dans sa fonction «  pour trois ans a compter des le jour de la thoussaint prochain sous les appointements de septante cinq livres pour chacune annee qui lui seront payes quartier par quartier  ». De plus, le conseil rappelle qu’il est urgent d’avoir un trésorier pour la communauté et décide que «  sy les consuls ne treuvent pas dans quinse jours du jourdhui un tresorier sur les encheres qu’ont este et contineront a ce faire jusque allors, le dict conseil a dellibere quil en sera nomme un a l’encienne coutume  ».

Le 9 juillet, le conseil reçoit deux candidatures pour la charge de trésorier de la communauté. Il choisit Joseph Reynaud dont l’offre est meilleure que celle de Louis Bonnefoy. Il percevra donc 5 % de la recette des impositions que la communauté fera la courante année. Enfin, suite à diverses plaintes contre le meunier, selon lesquelles certains habitants prétendent qu’en «  allant mouldre leurs grains au moullin de ce lieu leur manque a qui dix livres de poids de leur farine a qui douze  », les consuls Jean-Louis Reynaud et Jean Morier sont chargés d’enquêter afin de «  savoir positivement sy ledictes plaintes sont justes pour ensuicte y metre le meilheur ordre que faire se pourra  ».

Le 26 décembre, est rapporté au conseil que «  nobnostant tous les soins quil ayent pris pour faire concerver les bois de reserve, plusieurs habitans ne sempechent pas d’aller coupper de bois au devens de St Baudille (…) le garde terre ne peut empecher seul craignant quil ne soit mal traicté et par ainsy suivant les precedantes delliberations seroit mieux advantageurx pour la communautte de vendre ledict bois a l’anchere ou autremant faire force pour en esvicter les abus  ». Gaspard Bonnefoi offre 400 livres pour l’achat du bois mais le conseil préfère attendre encore 8 jours au cas ou une offre plus avantageuse pour la communauté se présenterait.

Enfin, le conseil nomme Jean Jullien et François Dulci comme consuls de la communauté de Séderon pour la prochaine année 1703…

Voilà pour l’année 1702. Nous pouvons constater à quel point la vie était rude à cette époque mais nos ancêtres s’organisaient et faisaient face ensemble aux nombreux problèmes de leur temps. Ils formaient alors une vraie communauté dont certaines des préoccupations n’étaient pas si éloignées des nôtres…

Romain DETHÈS

Dans nos autres bulletins de l’Essaillon :

Séderon il y a 300 ans

– Les petits évènements qui ont ponctué la vie de nos ancêtres en 1700 –

– Les petits évènements qui ont ponctué la vie de nos ancêtres en 1701 –

– Les petits évènements qui ont ponctué la vie de nos ancêtres en 1703 –

- Références -

Registres paroissiaux de Séderon, Mairie de Séderon.
Registre des délibérations consulaires, Archives Départementales de la Drôme, (cote 2E14187).