Travaillant avec Romain Dethès sur la peste de Bédoin durant les années 1629-1630, je me suis demandé si l’épidémie avait passé le Ventoux et sévi dans le haut pays.
En mai 1629, la peste est signalée à Bordeaux puis à Montpellier en juillet. On l’annonce ensuite en février 1630 à Rodez.
Au printemps 1630, la France traverse les Alpes pour envahir le milanais où sévit également la peste. Et certaines armées sont passées par Séderon qui a été contraint de les nourrir et les héberger.
Plus localement Bédoin a mis en place des quarantaines dans les granges extérieures à la cité un Bureau de la Santé composé d’un médecin, d’un officier de santé et 2 consuls. Des gardes empêchent les malades de s’échapper et les bien-portants de venir les visiter, au risque de « s’infecter ». On fait aussi appel à des parfumeurs chargés de laver entièrement l’intérieur des maisons à l’eau chaude, de brûler les linges souillés et d’enfumer les maisons avec du bois tel que le genévrier, le romarin et le sourbin.
Qu’en est-il à Séderon. Que disent les délibérations du Conseil Général de la Communauté ?
Mon propos, ici, est de compléter les 3 articles de Romain Dethès sur les années 1628-1631 qu’il avait pu réaliser grâce aux transcriptions faites par Hélène RISPAL :
Le cas de Séderon entre 1628 et 1631
Parus dans Lou Trepoun n° 27, 28 et 29 (dec. 1999, juin et dec. 2000).
Le texte de Romain concluait, pour l’année 1631 :
« Le 12 mars […] Il s’agit là de la dernière référence au mal de contagion et à ses conséquences financières... »
Malheureusement pour nos Séderonnais, l’épidémie se poursuit durant le printemps.
18 mai 1631 : Après le volontariat des débuts, il faut maintenant organiser une « milice » rémunérée.
Conseil
Du 18 mai 1631 au lieu de Séderon et à la place publique dudit lieu, du mandement de Me Guilhem Dumont lieutenant de baile et à la requeste des consuls modernes dudit lieu, a esté assemblé le Conseil de ladite Communauté pour traiter des affaires d’icelle à la manière accoustumée.
Auquel Conseil a esté proposé par ledit Sr Reynaud consul qu’il seroit necessaire mettre des gardes pour la santé à cause que les habitantz dudit lieu ne veullent pas garder par tour de rolle.
Sur quoy a esté délibéré de mettre deux gardes pour cest effect. L’une du costé de l’eglise et l’autre à la sime de ville. Et chargent les consulz d’y tenir la main, le tout à la melheure condition que faire se pourra pour la Communauté. Et pour subvenir au salaire desdits gardes, a esté imposé un capage de six soulz pour chacun habitant que sera exigé par le thésorier moderne.
Et a esté loué une desdites gardes Jean André Chastel dudit lieu, lequel a promis de servir bien et fidellement, pour dix livres le moys de gaige et ce jusques à la Toussaintz prochain. Si tant est qu’il soit necessaire.
Et ainsi a esté délibéré.
3 août 1631 : A Séderon aussi, les « infectz » sont mis en quarantaine à l’extérieur et sous surveillance.
Du 3 août 1631, au lieu de Séderon et au dessus l’heire de Me Jean Beauchan, à la requeste des consulz modernes, et pardevant Jean Robaud rentier, en absence du baile, a esté assemblé le Conseil général de la Communauté, à la manière acoustumée. Auquel ont esté presentz…
Auquel Conseil a esté proposé par lesdits consuls que la femme de Jean Girard de Vers mourut hier environ midy au lieu où elle avoit esté remise en quarantaine avec ledit Girard et sa familhe. Et par ce moyen les maisons ont esté fermées ; [ceux] quy avoyent frequanté la maison dudit Girard sont grandement suspectz. Requerant y estre prevenus. En outre remonstrant lesdits consulz quilz ne peuvent habiter dans le lieu a… dans leur metterie ou ailheurs pour la plus grande … de leur santé et qu’à cest effet il est requis commettre quelqu’un qui puisse habiter dans le lieu pour estre survelhant sur les actions et autres faictz nouveaux qui pourroyent arriver dans ledit lieu. Requerant y estre pourveu.
Sur quoy a esté deslibéré de faire sortir hors du lieu Me Thomas Guilhermin et sa familhe, Jaques Landric et sa femme, Jean Ricou de Genssan et sa femme, Anthoinette Durande et Cahterine Beauchan. Et les remettre trestous en quarantaine ez lieux où il sera advisé par les consulz. Avec bonne et suffisante garde. Ont esté nommez pour intendantz Jean Robaud et Jean Chastel quy seront tenus de faire la visitte dans ledit lieu et aux granges des malades quy pourroyent survenir. Et veilher sur la police de la santé. Esquelz sera donné dix soulz a chacun par jour jusques à nouvelle desliberation. Ainsin a esté délibéré.
Remonstrent encor lesditz consulz quils ont faict pache avec Sr Edouard Beauchan appothicaire de panser les mallades qui pourroyent survenir dans ledit lieu et son terroir. Auquel a esté promis pour ses gaiges quarante-cinq escus par moys, sans que la Communauté soit tenue luy fournir aucune chose pour sa nourriture. Payable au premier excez qui arrivera et jusques lhors luy a esté promis quarante-cinq soulz par jour complementaire puis le traitement de julhet dernier. Pendant lequel sera tenu parfumer les lieux que besoing sera. La Communauté sera tenu luy fournir les medicamentz et ingrediantz requis pour cest effect. Requerant la rattiffication de la presente convention. Laquelle le premier consul rattiffie ce qui a esté faict à la presence dudit Beauchan. Et ainsi a esté delliberé. Personne n’ayant signé à cause du soubçon du mal contagieux.
24 août 1631 : Les difficultés ordinaires de la Communauté d’honorer ses dettes.
Communaulté de Séderon
Du 24 août 1631, au lieu de Sederon et à la place publique d’illec, du mandement et permission de Me Charles Bonnefoy baille et à la requeste de Me Charles et Nicolas Reynaudz consuls modernes dudit lieu, le Conseil Général a esté assemblé à la manière acoustumée. Où sont estés présentz lesdictz Sr baille et consuls,…
Auquel Conseil a esté proposé par lesdictz consuls… que le Sr Edouard Granchan appothicaire désire estre payé des quinze escus qu’il a - comme luy a promis - durant vingt jour qu’il a demeuré dans le lieu à cause du soupçon du mal contagieux qui estoit audict lieu ces jours passés.
Sur quoy a esté dellibéré… que ledict appothicaire sera supplié d’attendre le payement desdictz quinze escus jusques a la culhette de la tailhe.
11 janvier 1632 : Les procès habituels consécutifs aux engagements non honorés.
Le 11 janvier 1632, au lieu de Séderon et dans la maison de Sr Jaque Ricou premier consul moderne, pardevant Me Charles Bonnefou baile, et à la requeste dudit Jaque Ricou et de Jean Ricou autre consul, a esté assemblé le Conseil général de la Communauté à la manière accoustumée.
Auquel Conseil a esté proposé par lesdits Srs consulz quilz ont receu lettre du Sr Lieutenant procureur de la Communaulté par laquelle il marque comme le Sr Brochery poursuit vivement la Communauté pour raison des vaccations qu’il prethend de son intendance durant le mal contagieux. Comme aussi de mesme, M. Bremond parfumeur poursuit aussi pour estre satisfaict de ses gaiges, et qu’il seroit necessaire de depputer homme exprès audit Forcalquier pour se presenter. Requerant sur le tout y estre prouveu.
Sur quoy a esté déslibéré de depputer homme exprès pour aller audit Forcalquier, ayant à ces fins esté nommé Me Reynaud pour se presenter contre dudit Sr Brochery que Bremond. Comme aussy ont donné charge audit Me Reynaud de faire dire à l’amiable par deux advocatz pour raison des intherestz prethendus lesditz messieurs contre ladite Communauté. Le tout à la meilheur manière que se pourra pour ladite Communauté. Et ainsin a esté deslibéré.
25 janvier 1632 : Suite et fin ?
Le 25 janvier 1632, au lieu de Séderon et à la place publique dudit lieu, du mandement de Me Charles Bonneofy baile et à la requeste de Jaque et Jean Ricous consuls modernes, a esté assemblé le Conseil général de la Communauté…
Auquel Conseil a esté proposé par lesditz Srs consulz qu’il y a heu sentance en faveur du Sr Bremond parfumeut touchant ses vaccations contre la Communauté. Contre laquelle le procureur de la Communauté est appellant pardevant la cour. Sur quoy a esté dellibérer de rellever ledit appel de la sentence obtenue par ledit Bremond pardevant la cour.
Il n’est plus fait mention de mal contagieux, parfumeur, apothicaire (…) dans les délibérations suivantes. Cette épidémie de peste n’a pas épargné Séderon et d’après les délibérations du « Conseil Général de la Communaulté des manants et particuliers de Séderon » elle a duré 3 ans et demi, du 27 août 1628 au 25 janvier 1632. On y rencontre les mêmes méthodes qu’ailleurs : quarantaine hors les murs, garde-malade, garde civile, parfumeurs et enfumage des maisons, refus de recevoir les « étrangers », fermeture des auberges… Et les sempiternels défauts de paiement des salaires.
Si le confinement dure encore, je chercherai les épisodes suivants des vagues d’épidémie qui ont ravagé la Provence qui sont cités par DUBLED dans « Les épidémies de peste à Carpentras et dans le Comtat Venaissin ».