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L’Essaillon
« Entre la Tourre et lou Crapoun,
I a moun païs, qu’ei Sederoun »
Alfred Bonnefoy-Debaïs

Etudier, préserver et faire connaître le Patrimoine Historique, Naturel et Culturel de Séderon et de sa Région

Lo Trepon 41
Les loups
Article mis en ligne le 17 octobre 2013
dernière modification le 30 décembre 2019

par BARRAS Anne-Marie
© Essaillon

En cette période où l’on protège les loups dans nos montagnes, on peut lire un rappel de faits, parfois tragiques, qui se sont produits, jadis, dans notre région.

En effet, un de nos fidèles adhérents nous a fait part d’un article paru le 2 septembre dernier [1] dans le "Dauphiné Libéré" sous la signature de Sandrine MARCHAND dont le titre est :

Archives départementales : Le récit d’une attaque en 1635
Celui qui tua le loup… à mains nues

Certains d’entre vous l’ont peut-être lu :

Cela se passait à Eygalayes en 1635.
Au mois de février, et depuis plusieurs semaines, un loup rodait et terrorisait les habitants qui n’arrivaient pas à le capturer malgré tous leurs essais. Il avait même attaqué un berger qui essayait de défendre son troupeau.

A la suite de cet épisode, Paul NICOLLAS, cardeur, décide d’affronter le loup pour en libérer la région.

Malheureusement, après une lutte sanglante où l’animal a été vaincu, Paul NICOLLAS a succombé à ses blessures quarante jours plus tard.

Ces faits sont relatés par Madeleine, la mère de Paul, dans une lettre qu’elle adressait au Parlement [2] quelques temps plus tard pour demander des dédommagements (on dirait aujourd’hui des dommages et intérêts). En effet, les Consuls d’Eygalayes qui devaient récompenser celui qui tuerait le loup n’avaient pas tenu leur promesse et elle avait dépensé tout son avoir pour essayer de sauver son enfant.

On ne connaît pas le résultat de cette requête.

Cette lettre, trouvée dans les archives de la mairie de Trescleoux (05) est propriété des Archives Départementales des Hautes-Alpes et devait être lue, publiquement, dans leurs locaux, à Gap, le 16 septembre 2006 à l’occasion des "Lectures Publiques" lors des Journées du Patrimoine.

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Il y a certainement eu, au cours des siècles, de nombreux épisodes, plus ou moins graves, où ils ont été impliqués dans cette région d’élevage. Mais le souvenir s’en est perdu.

Melle Marie PASCAL de Séderon nous avait parlé des loups en précisant qu’elle n’en avait jamais vu personnellement mais que son père, et surtout son grand-père, en avaient vu roder au dessus "du Jas" où ils habitaient, vers la fin du 19ème siècle.

Elle nous avait décrit les colliers que son grand-père gardait, à la ferme, avec deloups_2s piques extérieures tout autour pour que les loups ne puissent pas mordre ses chiens à la gorge.

© Essaillon

Ci-contre collier à chien berger dans : « Les Objets de nos campagnes » Edition Hatier 1994.

Mme Josette BRUNET, née CHARROL, d’Eygalayes, nous a fait part de souvenirs qu’elle avait entendus raconter à Eygalayes dans sa jeunesse.

On racontait encore l’aventure qui était arrivée au grand père d’Henri BONNET au 19ème siècle.

Il était allé à la montagne de Palle, près de la ferme de La Mourier à Séderon pour semer de l’épeautre et était resté 4 ou 5 jours sans redescendre à Eygalayes.

Pour s’héberger et se protéger la nuit, il s’était construit une sorte de hutte faite avec des fagots de branches de genévrier.

Une nuit, il avait été réveillé par les loups et avait juste eu le temps de monter sur un arbre pour se mettre à l’abri. Sans bruit, les loups étaient repartis… Au bout d’un moment, ils étaient revenus… sept !

L’histoire ne donne pas de précisions sur la suite des évènements mais il semble bien que rien de grave ne se soit passé puisque ces détails ont pu être connus.

Quoi qu’il en soit la nuit a dû être longue pour le semeur !

Par ailleurs un homme de Laborel avait voulu attaquer un loup au "trou" mais lorsqu’il voyait sortir la gueule du loup et frôler son visage il en avait des frissons. On peut facilement en déduire qu’il n’a pas insisté et qu’il s’est enfui.

Pour clore ces souvenirs sur une note plus optimiste on peut rappeler que, toujours à Laborel, un homme avait apprivoisé un loup qu’il promenait au bout d’une chaîne et allait le montrer de maison en maison. L’histoire ne dit pas s’il était accueilli avec plaisir.

Nous terminons par un extrait du texte de Mr J.F. CHARROL, paru dans notre bulletin n° 33 de Novembre 2002 :

MEMOIRE DU PAYS LE TAY JADIS ET NAGUERE LE DERNIER LOUP, LES FRAISES ET LES FRAMBOISES

Dans le paragraphe, LA BATTUE AU LOUP, il fait référence aux souvenirs d’un mécanicien et forgeron, Paul BRUIS, qui les racontait dans les années 1930.

C’était l’histoire du dernier loup de la région :

Les faits rapportés remontaient vraisemblablement à la jeunesse de Paul Bruis que l’on peut situer vers la fin du XIXème siècle ou au début du XXème. A cette époque, il advint que les moutons qui paissaient sur le plateau de Banastiers (partie de la montagne du TAY appartenant à la commune de Barret-de-Lioure) furent à plusieurs reprises attaqués et ravagés par un carnassier que les bergers désignèrent comme étant un loup.

Les propriétaires irrités décidèrent de s’organiser avec le concours de l’Administration des Eaux et Forêts (aujourd’hui O.N.F.). Un lieutenant de Louveterie, dépêché sur place, prit la tête d’une battue de volontaires qui réussit à abattre la bête sanguinaire. L’animal, selon Paul Bruis qui le déclarait solennellement, fut reconnu comme « loup cervier ». Cette appellation désigne de nos jours un redoutable prédateur des troupeaux, le lynx, qui a à peu près complètement disparu de notre pays (il est protégé en Suisse). Cependant ce nom de loup cervier peut également avoir le sens de « loup chasseur de cerfs. »

Au regard de l’Histoire et des siècles de leur présence, le dernier loup, c’était hier.

Anne-Marie BARRAS