Pour marquer la création de l’association l’Essaillon, Colette Beauchamp m’avait offert le document reproduit ci-dessous. Après avoir été encadré ce document est resté longtemps accroché au mur de notre maison de Séderon, jusqu’à ce que des recherches historiques me permettent de le situer et d’écrire à son sujet les lignes suivantes qui pourront peut-être remercier encore une fois Colette.
Ce document est une sorte de passeport intérieur autorisant le tailleur d’habit séderonnais Louis Imbert à se déplacer à Marseille pour y voir un de ses enfants volontaire dans le bataillon de Nyons. Il concrétise la mise en place par le gouvernement révolutionnaire d’une organisation locale (comité de surveillance, agent national au niveau de chaque commune) pour lutter contre les contre-révolutionnaires et en particulier surveiller le déplacement des étrangers. Il a été rédigé le quintidi 25 ventose l’an second de la république française (15 mars 1794) par le secrétaire de la municipalité de Séderon (le notaire Antoine Reynaud-Lacroze), signé par le maire de Séderon (le bourgeois Jacques Jullien), 3 officiers municipaux (l’ouvrier agricole Jean Chanuel, le maître d’école Baudille Conil et l’agriculteur Jean Pellat) et l’agent national de Séderon (le négociant Joseph-Laurens Morier). Il a ensuite été validé au nom du comité de surveillance de la commune de Séderon par son président (le chirurgien Jean-Baptiste Eydoux, premier maire de Séderon) et quatre de ses membres (le bourgeois Louis Brachet, l’aubergiste Jean Jullien, le bourgeois François Lambert et le cordonnier Paul Reynaud).
Dans ce passeport ancien, la description soignée du visage du bénéficiaire (cheveux et sourcils chatain, yeux bleus, nez gros, bouche moyenne, figure effilée) fait penser à l’indispensable photo d’identité des passeports actuels.
A la suite de la levée en masse décrétée par le gouvernement révolutionnaire le 23 août 1793, Guilhaume, le fils de Louis Imbert, âgé de 19 ans, a été incorporé dans le bataillon de première réquisition du district de Nyons (il fait partie de la 5ᵉ compagnie avec 20 autres jeunes recrues séderonnaises). Il est nommé tambour de la compagnie, peut être parce qu’il a appris auparavant à jouer de cet instrument pour animer la fête votive avec la jeunesse de Séderon (cette confrérie des jeunes séderonnais, ancêtre du comité des fêtes, possède sans doute un tambour, peut être celui acheté en 1693 par la Communauté de Séderon au capitaine d’un régiment de passage).
Le bataillon de Nyons, avec celui du district de Romans, est envoyé en renfort des troupes engagées, de septembre à décembre 1793, dans le siège de Toulon et Gulhaume Imbert fait sans doute partie des soldats blessés au cours de cette opération qui apparemment causa de nombreuses pertes dans les rangs du bataillon de Nyons (Charles Crapone, chef du bataillon, meurt à Marseille le 5 mars 1794, Jacques Ricou, une des recrues séderonnaises, entré à l’hôpital d’Arles le 23 juin 1794 y meurt le premier septembre, François Plaindoux, une autre recrue séderonnaise, rapatrié à Séderon y meurt le 22 septembre 1794).
De retour à Séderon, Guilhaume Imbert reprendra le métier de son père dans la maison familiale de la cime de la Bourgade. Puis, après son mariage, il s’installera dans une maison au milieu de la Basse Rue, il y mourra à l’âge de 84 ans.
Guilhaume Imbert ne semble pas avoir de descendant direct à Séderon. Son fils Alphonse, veuf âgé de 74 ans, sera mentionné dans le recensement de 1896 comme le dernier Imbert occupant la maison de la Basse Rue. Le recensement de 1911 ne mentionnera plus qu’une seule famille Imbert, habitant à la Place, celle de Casimir Imbert, descendant de Jean Imbert originaire d’Orpierre et ancêtre de la famille Imbert actuelle.
Le document a été plié en huit indiquant sans doute que Louis Imbert, après l’avoir signé, l’a effectivement emporté sur lui. Il est possible de supposer qu’il sera conservé dans la famille Beauchamp de Séderon où Rose-Justine Imbert (petite-fille de Louis Imbert et nièce de Guillaume Imbert) l’aura apporté lors de son mariage en 1831 avec Pierre-Antoine Beauchamp.