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L’Essaillon
« Entre la Tourre et lou Crapoun,
I a moun païs, qu’ei Sederoun »
Alfred Bonnefoy-Debaïs

Etudier, préserver et faire connaître le Patrimoine Historique, Naturel et Culturel de Séderon et de sa Région

Passage d’un voyageur à Séderon en 1941
Article mis en ligne le 1er juillet 2019
dernière modification le 9 juillet 2022

par POGGIO André

Pour aller de Laragne en Arles, le plus court chemin passe par Séderon. Il est donc normal que le Juge de Paix de Laragne l’ait utilisé.

Pourtant, en cette année 1941, les moyens de transport fonctionnaient comme ils pouvaient. Du coup, le juge va devoir s’adapter aux nécessités et modifier l’itinéraire prévu. Ce qui le conduit à renoncer à rendre visite à son collège de Buis. Les deux juges, en raison de la proximité de leurs postes, échangeaient régulièrement de la correspondance et avaient espéré pouvoir se rencontrer.

Dans une longue lettre, le voyageur s’excuse de ce changement et explique à son collègue les péripéties du voyage.

Mais avant de transcrire sa lettre, quelques mots pour donner un nom et une personnalité à notre juge : il s’appelait Lieutaud [1], Elzéard de son prénom (bien qu’il l’utilisa le plus souvent sous sa forme provençale, Auzias).

Son père, Victor Lieutaud, avait été un félibre de la première génération, un très grand ami de Frédéric Mistral pour lequel il rédigea les statuts du Félibrige de 1876.

Tel père, tel fils ! Auzias fut lui-même félibre.

[ici ont vécu Victor Lieutaud et son fils Elzéard, Félibres et érudits de Provence]
plaque posée à Volonne (04)
© Essaillon

De cette lettre, je ne reproduis que les éléments ayant un rapport direct avec Séderon…

Nous sommes donc en 1941, et les problèmes de transport et de ravitaillement sont largement à l’ordre du jour :

« Laragne, le 4 juin 1941

Mon cher collègue

… cette fois encore je n’ai pas fait connaissance de la nouvelle capitale des Baronies – Rosans étant l’ancienne. Je suis parti – heureusement à l’avance – pour Séderon. Bon hôtel en effet, où j’ai encore mangé un peu de viande, marchandise introuvable à peu près partout. Mais comme je me disposais à partir le lendemain pour le Buis et un parcours long et plus compliqué – j’ai entendu dans le vestibule de l’hôtel qu’un courrier allait partir le lendemain pour Carpentras : chance et, serrés comme des anchois, me voilà à nouveau regagnant la nouvelle capitale du Comtat – la première fut Baume, la seconde Perne – ressouvenir de la cantilène endormirello :

« Arri, àrri, moun chivau – que deman anam à Saut
Anarem à Perno – querre de lanterno
E de Perno à Bedouvin – querre de co de toupin
De toupin e de siblet – pèr amusa lou nanet » [2]

(…) J’ai fait le tour de Séderon ce qui ne m’était plus arrivé depuis longtemps ; en pensant à mon greffier de Ribiers, matriote de ce petit pays, un des rares qui se maintiennent à peu près des basses baronies. Causé avec Me Bernard, que je n’avais plus vu lui aussi depuis trente ans, à Noyers – ce qui n’a pas rajeuni nos souvenirs ; noté un « relògi soulàri » de Fabre [3] à la Bourgade ainsi qu’une vieille porte, un mur pour soutenir « la tourre », oratoire démoli de Ste Barbe, monument à Raynaud-Lacroze ainsi que leur chapelle expiatoire ; des petites sorgues au sortir du village – et des armes sur une des dernières maisons en ferronerie (ex) patisserie ; c’est une des plus solides maisons du côté sud, – ces armes sont un soleil tournant ; j’ai appris à Me Bernard les armes de Séderon, – qui en a comme toutes les communes des B. Alpes dont elle faisait partie sous L(ouis) XIV : trois voiles, 2 & 1 sur fond vert  [4] ; la mairie devrait les mettre sur son sceau (…).

Voilà ma connaissance du Buis renvoyé à une facilité de transport – improbable (…)

Veuillez agréer mes sentiments bien cordiaux et confraternels ».

Je vous laisse le soin de localiser les différents éléments de notre patrimoine tels que les décrit Lieutaud. Ont-ils tous passé l’épreuve du temps ?

André POGGIO