En visitant notre église paroissiale, on peut se demander quel était l’usage des stalles et des bancs imposants qui entourent le chœur ; et se douter que de telles places, si près de l’autel, n’étaient pas en libre accès. De nombreuses églises possèdent le même mobilier, qui est sans doute le dernier témoin d’une ancienne institution, la fabrique [1] :
« Avant la Révolution, les stalles étaient réservées aux personnalités religieuses et laïques de la paroisse… En 1806, il est décidé que les stalles de droite seraient réservées au maire, à son adjoint et au commandant de gendarmerie. Celles de gauche sont en revanche attribuées au juge de paix et à ses suppléants. Pour les stalles disposées de chaque côté du chœur, les trois premières sont réservées aux membres du bureau de la fabrique, les autres au clergé » [2]
Les membres du conseil de fabrique, les marguilliers [3], prenaient place dans ces bancs lors des diverses cérémonies religieuses.
Les deux grands sièges qui se font face, avec des panneaux dorsaux de plus grande hauteur et des accoudoirs ouvragés, étaient sans doute réservés au clergé et au Président du Conseil de Fabrique. Ils sont intégrés dans l’alignement des bancs et des autres panneaux qui couvrent entièrement la partie basse des murs du chœur.
L’ensemble n’est spectaculaire que par ses dimensions et la belle patine du bois. Il y a cependant un détail qui le personnalise : l’ébéniste a laissé sa marque, apposée en haut de chacun des grands sièges, et a daté son travail.
APT VAUCLUSE 1834 |
Le curieux de l’histoire est que la même signature se retrouve une seconde fois à Séderon. Elle est gravée sur le cadran solaire qui orne la façade de la maison Gleize. Ce travail est lui aussi daté de 1834.
André Gauthier, de l’Association de Sauvegarde du Patrimoine Industriel du Vaucluse, nous a fait parvenir quelques informations sur la famille Pascal. Le père était compagnon maçon, le fils compagnon ébéniste. Ce sont leurs œuvres en matière de gnomonique [4] qui ont fait leur célébrité. Leur chef-d’œuvre, une méridienne [5], est toujours visible à Apt.
Pascal père affichait sa qualité de Maître dans la Franc-Maçonnerie en faisant suivre son nom du M et des trois points. Et il n’omettait ni l’équerre ni le compas, autres symboles maçonniques.
La méridienne date de 1834. Au même moment Pascal fils réalisait les stalles de l’église. Connaissant certainement la réputation de la famille Pascal et ses compétences de cadranier, le propriétaire de la maison Gleize (c’était alors un Jullien, importante famille de notables comptant Juge de Paix, Percepteur, Receveur de l’Enregistrement…) profita de la présence à Séderon de l’ébéniste pour lui faire créer le cadran solaire. En ces années-là, c’était peut-être la seule « mesure de l’heure » dans le village.