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L’Essaillon
« Entre la Tourre et lou Crapoun,
I a moun païs, qu’ei Sederoun »
Alfred Bonnefoy-Debaïs

Etudier, préserver et faire connaître le Patrimoine Historique, Naturel et Culturel de Séderon et de sa Région

Le mécanisme de l’ancien moulin seigneurial d’Eygalayes
Article mis en ligne le 1er décembre 2020
dernière modification le 4 décembre 2020

par MATHONNET Pierre

Le 14 mai 1790, la première municipalité d’Eygalayes fait authentifier par le notaire de Séderon un rapport descriptif de l’état du moulin à farine seigneurial que le gouvernement révolutionnaire a mis à la disposition de la Nation. Dans le rapport, le moulin est désigné sous le nom de moulin de Rigouette et situé en dehors de l’enclos du village (il correspond sans doute au moulin figurant sur le cadastre napoléonien à l’adret de la colline du Château qui s’élève au Sud du village d’Eygalayes).

Concernant les composants du moulin qu’ils ont dû juger essentiels, deux experts nommés (le meunier de Séderon et un maçon de Ballons) ont déclaré :

  • que sa robe et son entremuye étoient bois de sapin et en médiocre état,
  • que sa mastre étoit de noyer et en médiocre état,
  • que son tour et corde étoient en bon état,
  • que son enchastre étoit en bon état,
  • que ses meules de dessus et de dessous étoient neuves,
  • que son rouet et son ferrement étoient en bon état ainsi que son arbre et son banc souillard,
  • que le peau, la nadille, la loubette et le durillon étoient en bon état.



Le positionnement de la plupart de ces composants sur le schéma ci-contre, typique des moulins à rodet largement utilisés en Haute Provence, permet de reconstituer le mécanisme du moulin de Rigouette .

L’eau en provenance de l’écluse frappe obliquement le rouet et son ferrement (roue hydraulique horizontale constituée d’une couronne sertie de godets en bois) et imprime à l’ arbre (axe de la roue) un mouvement de rotation. Ce mouvement, au travers de la meule du dessous bloquée dans un socle de bois (l’ enchastre ), est transmis à la meule du dessus par l’intermédiaire de la nadille (té en fer s’incrustant à la base de la meule du dessus ) et le peau (pièce de fer fixée au sommet de l’ arbre et s’emboîtant sur la nadille ). Cet emboîtement permet de désaccoupler les meules.

Le grain, entassé dans l’ entremuye (trémie) reposant sur la robe (caisson des meules), s’écoule au centre des meules et passe entre elles où il est broyé. La farine produite est éjectée par la force centrifuge et collectée en périphérie sur l’ enchastre .

À sa base, l’ arbre est équipé d’un pivot de fer (la loubette ) portant sur une butée de pierre dure (le durillon ) encastrée dans une poutre horizontale placée dans l’écoulement d’eau (le banc souillard ) dont le calage en hauteur permet de régler l’écartement entre les meules.

La mastre (caisse farinière, non représentée sur le schéma) recueille la farine déversée par l’ enchastre . Le tour et la corde (treuil, non représenté sur le schéma) permettent de déplacer les meules pour les rhabiller ou les changer.

Le mécanisme du moulin dénote une certaine technicité, confirmée par le tracé du long canal d’amenée d’eau (un demi kilomètre en gardant le bon dénivelé entre la prise sur le ruisseau d’Izon et l’écluse, en passant par l’entrée Sud du village, en traversant le ruisseau du Riançon et en longeant ce dernier jusqu’au mamelon). Le nom de Rigouette est peut-être dérivé du mot rigolet qui, d’après le « Dictionnaire du monde rural » de Marcel Lachiver, désigne dans la Drôme une petite dérivation d’irrigation.

Pierre MATHONNET