En juillet 1793, alors que la France est attaquée, le gouvernement révolutionnaire décide de réquisitionner les cloches pour fabriquer les canons dont il a le plus grand besoin. Trois mois plus tard, Antoine Reynaud-Lacroze, secrétaire de la municipalité de Séderon, signale aux autorités du district de Nyons l’envoi de l’une des deux cloches de l’église (la plus grosse) et ajoute que celle-ci va aider à foudroyer nos hennemis.
Par cette remarque, Antoine Reynaud-Lacroze veut faire savoir que la cloche envoyée vaut plus par le pouvoir qu’elle possède que par le poids de fonte qu’elle représente. En effet, Antoine Reynaud-Lacroze est persuadé, comme ses concitoyens séderonnais, que depuis que cette cloche a été baptisée le 23 décembre 1728 sous le nom de Marie Sauveterre (Sainte Marie qui sauve la terre) ses sonneries sont capables d’éloigner la foudre et il pense donc que ce pouvoir sera bien utile pour diriger la foudre des canons sur les ennemis de la France.
Ayant fait un tel don patriotique et mystique, Antoine Reynaud-Lacroze retourne sur terre et s’estime en droit de demander qui est ce qui paye les frais de port de la cloche.
A Peyruis (Basses-Alpes), comme dans de nombreux pays de Provence, il y avait aussi une cloche nommée Sauve-terre.
Si on en croit la photo, elle était de taille très modeste. C’est peut-être pour cela qu’elle échappa à la réquisition et ne fut pas fondue pour la défense de la France. À moins que cette “clochette” ne soit que la remplaçante d’une cloche plus grosse partie à la guerre…
Henri Bérard (1869-1953), le crieur public de Peyruis, était aussi félibre et poète à ses heures. Il aimait mettre en vers les particularités de son village, et écrivit ce quatrain pour célébrer la croyance ancienne dans les pouvoirs miraculeux de la Sauvo-terro :
Lou Sauvo-terro ou la Campano miraclante de Peiruis
Quand lou niou enrabia davalo de Tourdau*
Quand l’uiau e lou tron rajon sus lou vilagi
Pichoun, sourteme-léou, fes branda mon matau
Subran n’en veirès plus la grêlo dins l’oùragi
Dòu Felibre Berard
Le Sauve-terre ou la cloche miraculeuse de Peyruis
Quand des nuées enragées dévalent du Tourdau*
Quand éclairs et tonnerres se déversent sur le village
Petits, sortez-moi vite, secouez mon battant
Aussitôt vous ne verrez plus de grêle dans l’orage
Du Félibre Bérard
* colline qui domine Peyruis