Au cours des années 1630 et 1631, la peste tient une place moins importante dans les déliberations [1] du conseil du village qu’au cours des deux années précédentes. Mais le fléau reste présent même s’il semble moins menaçant...
Lors du deuxième conseil de l’année 1630, le 13 janvier, il est décidé de "recompanser ceux qui ont vacqués à la garde l’esté dernier à raison de cinq soubz par jour".
Le 12 février, Marc Jordan et Peyre Coste, consuls modernes de la Communauté de Séderon affirment qu’ils ont heu nouvelle bien assurée que Sisteron est infest du mal contagieux sur quoy a este delibere de refuser l’entree a ceux qui viendront de ladite ville de Sisteron quoy quils ayent certificatz de sante dudit Sisteron et a cest effect ledit bureau a charge lesdits consulz de donner ordre aux gardes de la porte pour la sante de refuser l’entree auxdits de Sisteron. A este aussi delibere de fermer toutes les advenues du lieu bien deubement en telle façon qu’on ne puisse entrer que par les deux advenues ordineres et a este delibere qu’inhibitions et deffances seront faictes par cry public a tous les hostes du lieu d’admettre dans leurs logis aulcuns hostes qu’ils nayent un bonne billette veue par la garde de la porte pour la sante".
Le 7 juin se tient une délibération touchant le faict de la sante". Ainsi, Marc Jourdan, un desdits consulz, a dict et remonstré que le mulattier de Mtre Reynaud se treuve malade dans la maison de Michel Pascal despuis quelques jours d’autant qu’a este recognu que ledit malade se treuve estre enfant de Meoulhon, seroit a propos de le fere conduire audit lieu de Meoulhon pour obvier a la charge que ledit malade pourroit donner a la communauté". Est alors conclud et deliberé que ledit malade sera conduict audit Meoulhon dés demain mattin chargeant a ces fins lesdits consulz de ce fere".
On ne trouve plus aucune référence à la maladie de contagion" dans les délibérations consulaires pour le reste de l’année 1630.
Le 5 janvier 1631, le conseil décide que Mtre Charles Bonnefoy ira audit Aix... pour avoir provision... pour les gages desdits intendantz et prethendantz sur la communauté quy ont vacqué pur icelle du temps que ce lieu estoit affligé de maladie contagieuse".
Le 23 février, les consuls sont chargés de solliciter les intendantz de leur remettre les verbaux qu’ilz ont dresse durant le temps que ce lieu a este affligé de la maladie contagieuse et a cette fin de fere payer les amandes qu’ilz ont donnees contre les defaillantz et ainsy a este deslibere".
Le 12 mars, lors du conseil, le Père Marcel requiert la rattiffication de lacte de pension qu’ a este faict en sa faveur lors dudit mal par la communaute de la somme de quatre cens livres du cappital pour fourniture qu’il avoit fait pour la communaute". De plus, Monsieur le Lieutenant demande pour sa vaccation sur les barrieres de ce lieu lorsqu’il estoit affligé du mal contagieux, deux cens dix livres". Il s’agit là de la dernière référence au mal de contagion et à ses conséquences financières...
Les délibérations consulaires nous ont donc laissé de nombreux témoignages sur la vie à Séderon pendant la peste de 1630. On voit ainsi se constituer un bureau de santé chargé avec le conseil de la communauté d’organiser des actions de prévention contre la maladie contagieuse. Une garde des portes à tour de rôle est à maintes reprise organisée (avec plus ou moins de succès) et les séderonnais qui ne s’acquittent pas de leur obligation ou qui ne respectent pas les décisions du conseil se voient sévèrement amendés. Nous manquons cependant de nombreuses informations. Quelles furent les conséquences humaines, financières et sociales de cette épreuve ? Nous ne disposons pas de données relatives aux décès de séderonnais suite à l’épidémie de peste. Il semblerait toutefois que le village n’ait pas souffert de ce fléau. Contrairement à d’autres villes et villages sévèrement touchés (la peste arrive jusqu’à Carpentras en 1629 et fait 3000 morts, soit plus de la moitié de la population, en huit mois" [2]), Séderon semblerait avoir été épargné. Les dispositions prises et appliquées par le conseil de la communauté et par le bureau de santé auraient donc permis d’éviter l’épidémie.
Le coût des mesures de prévention a certainement pesé lourdement dans le budget de la communauté mais les cahiers de trésorerie ne nous sont pas parvenus et toute estimation serait plus qu’hasardeuse.
Sur le plan social, on peut penser que cette épreuve a developpé une certaine cohésion et une forme de solidarité entre les habitants puisque les risques pris par un seul pouvaient entraîner la mort de tous les autres. Ces années difficiles nous laissent l’image d’une communauté vraiment organisée, structurée, qui tente de son mieux d’assurer la survie de tous les siens.
- Références-
- Dubled Henri, La peste à Carpentras et dans sa région, Feuillets documentaires régionaux, Tome 2, Marseille, 1969
- Dubled Henri, Histoire du Comtat Venaissin, Marcel Petit, 1990
- Mourre Michel, Dictionnaire Encyclopédique d’Histoire, Tome 4, Larousse-Bordas, 1996
- Registres des délibérations consulaires, 1628-1631, Transcriptions d’Hélène Rispal