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L’Essaillon
« Entre la Tourre et lou Crapoun,
I a moun païs, qu’ei Sederoun »
Alfred Bonnefoy-Debaïs

Etudier, préserver et faire connaître le Patrimoine Historique, Naturel et Culturel de Séderon et de sa Région

LES ARMOIRIES DE LA COMMUNAUTE DE SEDERON
Article mis en ligne le 1er décembre 2016
dernière modification le 29 décembre 2019

par MATHONNET Pierre

Représentées sur la figure ci-dessus, telles qu’elles ont été enregistrées en 1696 dans l’Armorial Général de France (de sinople, à trois voiles enflées d’argent, c’est-à-dire trois voiles blanches sur un fond vert), elles peuvent faire douter d’avoir été celles d’une Communauté qui de toute évidence n’a jamais vu voguer une embarcation à voile.

Le doute peut être levé en remarquant que ces armoiries sont calquées sur celles de la famille de Boche qui posséda le fief de Séderon de 1520 à 1640. En effet elles n’en diffèrent que par la disposition des trois voiles (en diagonale pour la famille de Boche, superposées deux sur une pour la Communauté de Séderon) et par la couleur de fond (rouge pour la famille de Boche, verte, pour la Communauté de Séderon). La famille de Boche, une des plus anciennes d’Arles, fit sans doute figurer sur son blason des voiles symbolisant le commerce sur le Rhône qui faisait la réputation de la ville. La Communauté de Séderon, sans doute pour faire reconnaître la personnalité juridique qu’elle avait acquise sous cette seigneurie, adopta pour ses armoiries les mêmes symboles qu’elle fit graver sur un sceau servant à authentifier ses actes (l’expression marqué des armes de la ville est utilisée dans plusieurs documents d’Ancien Régime). Une telle reprise des armoiries du seigneur par les habitants de son fief se retrouve dans de nombreuses Communautés de Provence.

Les armoiries de la Communauté de Séderon deviennent officielles quand Louis XIV à la recherche de financements pour ses guerres obligea les Communautés par son ordonnance du 20 novembre 1696, à faire enregistrer des armoiries, dans l’Armorial Général de France, moyennant le paiement d’une taxe.

Cet enregistrement confirme l’ancienneté des armoiries de la Communauté de Séderon car il ne mentionne pas qu’elles ont été imposées, comme pour d’autres Communautés qui furent affublées d’armoiries ne correspondant en rien à leur histoire. Il fut sans doute l’occasion d’officialiser la différence des couleurs de fond.

Les délibérations du 21 avril et 26 décembre 1697 du Conseil Général de la Communauté de Séderon (assemblée des chefs de famille) permettent de suivre la mise en application à Séderon de l’ordonnance de 1696.

En avril, les consuls (les deux séderonnais élus chaque année pour être le pouvoir exécutif du Conseil Général) sont chargés de la déclaration des armoiries :

  • ils ont communiqué au Conseil Général la lettre circulaire avertissant que le sieur Le Cler, commis pour la réception de ceux qui voudront prendre ou entretenir des armoiries, a ouvert un bureau à Sisteron,
  • ils ont fait confirmer par le procureur de la Communauté à Sisteron que les communautés et les gentil-hommes ne pourront pas se dispenser de prendre d’armoiries,
  • pour que la Communauté ne fut en défaut ils ont alors déclaré les armoiries de la ville,
  • puis ils ont réclamé le paiement de la taxe (56 livres) à divers habitants compris dans un rolle de répartition établi par le Conseil Général.

En décembre, le paiement de la taxe a permis l’enregistrement des armoiries mais il a posé quelques problèmes aux consuls :

  • au lendemain de la déclaration des armoiries, les habitants compris dans le rolle de répartition ont refusé de payer leur côte et sont sous le coup d’un commandement (injonction à payer) de la part du sieur Le Cler,
  • ces mêmes habitants ont ensuite refusé de payer une taxe allégée, négociée à Aix auprès des autorités de Provence par un avocat séderonnais,
  • le Conseil Général a dû alors trouvé à propos d’augmenter d’habitants le rolle de répartition afin que les côtes déjà faites ne seront pas si fortes et toutefois ne sera pas compris les pauvres,
  • finalement les habitants compris dans un nouveau rolle de répartition réglé et fait par le lieutenant de juge (notable séderonnais, représentant du seigneur) ont payé leur côte au trésorier de la Communauté sous la contrainte de la commission obtenue de monseigneur le lieutenant de Sisteron, subdélégué de monseigneur l’intendant.

L’ordonnance de 1696 permit à des notables séderonnais d’acquérir une distinction réservée jusque là aux nobles. La recherche prioritaire de sa rentabilité financière favorisa en effet la déclaration d’armoiries par des notables locaux n’en ayant jamais porté. Ainsi, sur l’état établi par le bureau d’enregistrement de Sisteron figurent les armoiries de Dominique Bonnefoy (homme de loi), Joseph Jullien (prieur de Séderon), Antoine Jullien (maitre tailleur d’habit et père du prieur), Étienne Jullien (maitre chirurgien), Louis Jullien (lieutenant de juge) et Joseph Reynaud (trésorier de la Communauté) qui ont payé une taxe de 20 livres mais qui n’ont soumis au sieur Le Cler ni explications ni figures d’armoiries (leurs armoiries ont été dessinées par le personnel du bureau).

Pierre MATHONNET