Assiégé plusieurs fois au cours des guerres de religion, le fort de Mévouillon était resté finalement aux mains des calvinistes après le siège victorieux en 1590 conduit par René de La Tour-Gouvernet avec le renfort de Lesdiguières.
En 1625 une révolte éclate dans le Vivarais. Hector de La Tour-Montauban, fils de René, gouverneur du fort, prend le parti des révoltés. C’en est trop pour Richelieu qui entend annihiler les droits militaires et politiques accordés aux calvinistes par l’Edit de Nantes. Aussi en 1626 une armée royale revenant d’Italie met le siège au fort.
L’armée est sous le commandement de Lesdiguières, devenu connétable de France après s’être rallié au Roi. Le connétable est âgé de 83 ans et malade. Il va diriger le siège, ainsi que celui du Pouzin en Ardèche, depuis Valence. Le fort du Pouzin va être rendu pour 120 000 livres et celui de Mévouillon le sera, après 46 jours de siège, pour 100 000 livres.
Ce siège sera le dernier de l’histoire du fort. Dès 1640 il est démantelé, avant qu’il soit totalement rasé sous Louis XIV vers 1684.
Voilà pour l’Histoire, voyons maintenant comment ces événements furent vécus sur le terrain.
Parmi les forces qui assiègent Mévouillon deux régiments sont cantonnés à Séderon et un à Lachau. Or si Mévouillon et Lachau appartiennent au Dauphiné, Séderon fait partie des terres adjacentes de Provence et les Consuls d’Aix procureurs du pays de Provence s’émeuvent de cette situation, à laquelle ils ne pouvaient s’opposer, service du roi oblige. Ils font prendre par les États de Provence plusieurs arrêts pour essayer de limiter les malheurs liés au séjour des troupes. Ces arrêts tendent à demander aux troupes de payer les vivres dont elles ont besoin, arguant du fait que la Provence n’a pas à payer puisque les faits se déroulent en Dauphiné, et d’obtenir que les troupes quittent Séderon. De plus les Consuls d’Aix délèguent un envoyé sur place, le sieur Borilly, pour essayer de faire appliquer les dits arrêts. Celui-ci, qui s’établit à Séderon, écrit de nombreuses lettres à ses commettants dont seules trois nous sont connues [1].
Dans la première, datée du 27 juillet, il écrit : « ce jourd’hui fait signifier à ces Messieurs le Comte de Fériére et de la Vallée (les commandants des deux régiments) qui ont fait la même réponse qu’ils firent au précèdent arrêt et résolus quoi qu’il arrive de ne bouger d’ici qu’ils n’aient ordre de Monsieur le Connétable ».
De même pour le paiement des vivres « ces Messieurs m’ont dit tout haut qu’ils ne se donnent grand peine de cela et qu’ils trouveront le moyen de se faire fournir vivres (…) mais leur manquant vivres il s’apprêtera ici de grands désordres ». Autre souci, le manque de vin « Vous noterez s’il vous plaît qu’en ce lieu on ne recueille de vin pour les messes, encore qu’il ne s’en dit guère, et le vont prendre à Sault qui ont déjà tout épuisé et n’en peuvent avoir que du côté de Sisteron. Je vous donne à penser combien il faut de vin pour abreuver 800 hommes et plus, altérés comme ils sont. »
Il conclut en disant qu’il ne peut rien faire pour « le soulagement de ce pauvre lieu qui est entièrement ruiné ». Une fois la lettre cachetée il écrit sur l’enveloppe : « les troupes logées à Lachau en Dauphiné, distant d’une lieue de Séderon, viennent courre aux lieux circonvoisins ».
Dans la deuxième lettre datée du 28, il se plaint que malgré l’ordre du Connétable les deux régiments ne veulent pas changer de cantonnement (villages proposés : Vachères et Banon) et dans la suivante, datée du 30 juillet, il dit avoir promis des aides financières pour aider Séderon.
Enfin le trente il signale l’arrivée de Mr de la Motte-Verdeyer, le lieutenant de Lesdiguières qui dirige le siège sur place : « Où étant arrivé ayant vu les plaintes de ce pauvre lieu, il la décharge du régiment conduit par le Sieur de la Vallée, composé d’environ 180 hommes et m’a promis de le faire loger aux Omergues ». Pour le second régiment « qui est le double de l’autre » il faudra encore attendre.
Mais à la fin de sa lettre il nous laisse entendre que ce siège n’en est qu’à son début pour deux raisons : « l’une qu’il n’y a pas assez de troupes, l’autre que Mr de Montauban attend d’heure en heure la volonté du Roy pour si être soumis, l’étant partout assuré que Le Pouzin est rendu. »
Ici s’arrête la correspondance du Sr Bourilly. Elle nous confirme les dures contraintes imposées aux populations, « service du roi oblige », par les gens de guerre qui vivent sur le pays comme en pays conquis et ne tiennent aucun compte du pouvoir civil.
En fait Mr de Montauban avait une autre place forte à Soyans mais elle fut prise rapidement par l’armée royale, et il se trouvait complétement isolé. Le fort capitulera le 23 septembre 1626 peu de jours avant le décès à Valence de Lesdiguières le 28 septembre.