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L’Essaillon
« Entre la Tourre et lou Crapoun,
I a moun païs, qu’ei Sederoun »
Alfred Bonnefoy-Debaïs

Etudier, préserver et faire connaître le Patrimoine Historique, Naturel et Culturel de Séderon et de sa Région

Lou Trepoun 39
L’envers des cartes postales
Article mis en ligne le 9 octobre 2013
dernière modification le 13 décembre 2014

par DELHOMME René

Des cartes postales on ne montre en général que l’image. Et c’est l’objet de collections. Mais si les textes au verso sont souvent courts et de peu d’intérêt, destinés à faire connaître aux amis ou à la famille l’itinéraire de voyages, ils sont parfois sources d’informations datées. Mais quand ces textes concernent "le pays" ils ont valeur de souvenirs "patrimoniaux".

Un autre aspect de la cartophilie

C’est un collectionneur de cartes postales de Séderon et de son Canton qui va s’adresser à vous.

Aujourd’hui, (après l’exposition 2004 de Jean-Louis Moullet sur les clichés) je vais m’intéresser uniquement «  aux écrits » : correspondance côté recto uniquement pour les plus anciennes et à partir de 1903 autorisée côté verso.

Je vais donc me contenter de relever et de transcrire le courrier de nos anciens, de soldats en manœuvre, de touristes en villégiature ou de passage....enfin de gens comme vous et moi.

Tout cela bien entendu sans voyeurisme.

Tout d’abord quelques relevés, qui pourraient servir de base à notre office du tourisme pour vanter les charmes de notre Région :
  • Cette carte pourra te donner une idée du Pays qui ne manque pas de cachet et où l’on peut faire de nombreuses excursions (Aulan 23 septembre 1901).
  • Un coin de la terre promise (Lachau 1906).
  • Nous jouissons ici d’une température rêvée, d’un endroit charmant et pittoresque en pleine montagne. Cure de lait et œuf du jour. (Lachau 13/8/21)
  • C’est avec tristesse que je vois arriver si vite ce vingtième jour. Ici aucun souci, repos sur toute la ligne, belle vie... (Séderon 8/8/29).
  • Bon souvenir du pays des genêts cendrés, des tilleuls odorants, des fromages de chèvres et des gigots d’agneaux. La botanique y trouve aussi son compte (Séderon 17 juin 1935).
  • Les petits prennent des couleurs et Jackie a une mine merveilleuse (Séderon 1936)
  • Beau temps, bonne table, bon gîte. (Laborel 16/9/1947).
  • Le cadre est joli : montagnes couvertes de pins ou pelées et rocailleuses, petit ruisseau glougloutant dans une zone de verdure (Séderon le 15/8/1952).
  • Je pense arriver à me reposer sans trop m’emmerder et à me distraire sans trop me fatiguer (Séderon le 14/7/60).
  • Nous voici en vacances en pleine montagne, c’est délicieux : beau temps, belles excursions... (Montbrun 21/8/62).
  • Bled charmant, gens aimables au possible (Montauban 12/8/54).
  • Nous sommes très bien à l’hôtel, bonne table, sans soucis, on désirerait que cela dure toute l’année. Comme passe temps on recherche les ombrages du bord de la rivière (Séderon le 25/7/51).
  • Le temps passe vite loin des ennuis du bureau !!! Ici les journées sont chaudes mais la nuit on dort comme des loirs (Séderon 21/7/59).
  • Vous qui avez besoin d’un repos moral, venez vous balader ici : le climat, le séjour, l’auberge, etc.. tout est bon. Je vous recommande Séderon (le 16/8/60).
Ensuite Quelques remarques de nos valeureux militaires appelés :
  • On nous en fait bouffer des kilomètres et on la mouille la chemise. Là où nous sommes il y a cinq cents habitants et on est six cents soldats. On couche dans les écuries comme les... (Séderon 3/7/11).
  • Je trouve la région très pittoresque mais nous souffrons beaucoup de la chaleur et de la fatigue. Hier je n’en pouvais plus et avant-hier je me suis arrêté (Séderon 4/7/11).
  • Temps beau ici mais chaud, il y a eu pas mal de trainards au 2ième régiment les premiers jours (Séderon le 4/7/11).
  • En manœuvre bonjour à tous (Séderon 19/7/14).
  • Nos manœuvres se déroulent sans incident, il fait beau et chaud, les journées sont dures mais les chasseurs marchent bien (Séderon le 24/7/14).
Puis quelques problèmes liés aux transports en commun (moins d’actualité maintenant depuis la généralisation de la voiture).
  • Nous arrivons à Orange vers 4 h, il faut attendre le car qui mène à Vaison à 6h 35, puis de là, prendre un autre car à 7h45 pour le Buis. Et lorsque nous arrivons à 8h 45 le car de Séderon est parti... (Le 4/10/1935).
  • A Orange il prendra le petit « taquot » qui se trouve au 3ième quai. Dans la 1ère voiture, il se mettra tout de suite à droite, face à la locomotive. Après Vaison il verra continuellement le Mont Ventoux, blanc de neige, tout près. Arrivé au Buis, il verra 2 autobus, un pour Montbrun et celui qu’il prendra : Séderon Carpentras se trouve devant la sortie et j’avertirai les conducteurs.
  • Il montera tout de suite dans le coupé au milieu car l’auto partira de suite, dès les bagages pris. Il se mettra au bord à droite et face au conducteur. Là il verra très bien le paysage. Il arrivera à Séderon son terminus vers 11h ½. Je ferai quelques mètres pour le rejoindre. Ça coûte 6 f juste. (Séderon vers les années 20 je pense).
Sans oublier quelques faits divers :
  • J’ai chassé beaucoup, espérant toujours pouvoir vous envoyer un lièvre. Malheureusement je n’arrive à rien. (Eygalayes le 20 septembre 29).
  • René a déjà pêché 40 truites, il fait beau (Séderon 1979).
  • Demain nous allons à la pêche à St Auban. Nous partirons en bicyclette vers 2 ou 3 heures du matin (Séderon 1908).
  • Ce matin nous sommes allés laver, mais rassure toi je n’ai pas passé le linge à la pigeonne * (Séderon 1957). * (Eau de Javel Marseillaise).
  • Nous sommes habitués maintenant au troupeau et à son bruit. Il n’y a plus qu’un gros pépère de mouton qui paraît avoir à cœur de nous saluer tous les matins et tous les soirs, s’il vous plait, d’un béé sur un ton si grave et si sérieux... qu’il nous fait rire chaque fois (Monfroc le 22 août 1922).
  • Depuis longtemps je te dis de m’acheter un sac à main, celui que j’ai est tout mauvais. Ne manque pas de me l’envoyer avant la Fête (carte écrite par Simone Roman à son frère Jean, militaire en Algérie dans les années 20).
  • Je suis à Séderon depuis bientôt un mois et mes vacances sont partagées entre la pêche et la promenade. Les pluies ont commencé, car ici, à partir du 15 août, c’est une alternance d’orages et de journées ensoleillées (Carte des années 50 envoyée par Geneviève Jean (Mme Mercier maintenant).
Et enfin pour clore ces différentes évocations, une carte que j’ai trouvée lors d’un salon, écrite par mon Père, le 29/12/1945 et envoyée à un de ses amis de captivité.

Voici une partie du texte :

  • Voilà longtemps que je n’ai pas eu de tes nouvelles et il me tarde de savoir çe que tu fais, ce que tu deviens, si tu t’habitues facilement en France !! Que cette année 1946 nous apporte enfin un peu de bien être ! Alors tout ira bien maintenant que nous avons la tranquillité. Je t’avais peut-être raconté que les boches nous avaient causé pas mal d’ennuis pendant les mois qui précédèrent la libération. Ils avaient même bombardé le village (6 bombes de 500 kg et quantité de petites) faisant des morts et des blessés parmi la population civile et d’importants dégâts. J’avais même été retenu prisonnier une journée à Séderon lors de l’attaque d’un camp où tous les maquisards ont été massacrés. Nous étions une quarantaine qui ne brillions pas. Tout cela est fini heureusement.

Un cartophile passionné.

R. DELHOMME
Envers d’une carte postale expédiée par la postière nommée à Séderon en 1914
© Essaillon