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L’Essaillon
« Entre la Tourre et lou Crapoun,
I a moun païs, qu’ei Sederoun »
Alfred Bonnefoy-Debaïs

Etudier, préserver et faire connaître le Patrimoine Historique, Naturel et Culturel de Séderon et de sa Région

Les armoiries de la communauté de Séderon
Article mis en ligne le 1er juillet 2019
dernière modification le 9 juillet 2022

par sandy-pascal

Pierre Mathonnet nous a expliqué l’origine des 3 voiles inscrites sur le blason de la communauté de Séderon, dans Lou Trepoun n° 61 de juin 2016.

Je voudrais apporter ici quelques précisions à propos de cet étrange blason « maritime ».

La famille Boche n’a été anoblie que tardivement et grâce à une généalogie fallacieuse, nous dit Jean Gallian sur son site de la noblesse provençale.

Famille originaire de Toscane

Au XIVe siècle, les Boche étaient drapiers à Arles et les titres produits sont tous faux ou falsifiés jusqu’à l’acte du 22.1.1447 contrat de mariage d’Honoré Boche et de Marguerite d’Arcussia.

© Essaillon

L’usurpation de titre de noblesse n’est pas rare, le Roi favorisait l’achat de titre pour renflouer ses caisses. Les bourgeois payaient des généalogistes pour se créer de hautes origines et un blason.

Jean Gallian confirme cependant la disposition des voiles en diagonale et la couleur rouge du blason.

© Essaillon
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Mais c’est une reconstitution récente faite par un logiciel spécialisé dans la création de blasons. L’Armorial d’Hozier [1] nous en propose une autre version peinte à la main, sur le site Gallica de la Bibliothèque Nationale

On remarque dans l’armorial « officiel » que les voiles n’y sont pas disposées en diagonale mais en « 2 et 1 ».

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On trouve l’entrée Boche, dans « L’État de la Provence, contenant tout ce qu’il y a de plus remarquable dans la Police, dans la Justice, dans l’Église et dans la Noblesse de cette Province, avec les armes de chaque famille », par Mr l’Abbé Robert de Briançon (1693, avec privilège du Roy)

On y lit page 401 : « 

[…] Bremonet ou Bremond de Boche d’Honorade d’Arcussia, sa femme, eut Antoine de Boche Seigneur de Vers, marié l’an 1505 avec Anne Adhémar fille de Charles, baron de la Garde, dont Joseph de Boche, Seigneur de Vers et de Séderon, qui épousa l’an 1527 Marguerite de Quiqueran, fille d’Antoine, baron de Beaujeu ; de laquelle il eut Jacques, Jeanne et Honorée de Boche. Jeanne fut mariée avec Pierre de Porcelet, seigneur d’Ubaye, et Honorée épousa Michel de Sado, seigneur de la Goi. Jacques de Boche leur frère fut seigneur de Vers, et de Séderon, puis Baron de Baux, Chevalier de l’Ordre du Roi, Capitaine de cent hommes d’armes de ses Ordonances ; son Conseiller et Grand Sénéchal de Beaucaire et de Nîmes et Viguier de Marseille.

Nostradamus, p. 299 de son Histoire, a fait l’éloge de ce baron et le loue particulièrement de l’adresse et disposition de son corps, de sa prudence, libéralité, preudhomie, piété et singulièrement de l’amour qu’il avait pour les belles Lettres, ayant ramassé une des plus belles bibliothèques du Royaume. Il avait épousé l’an 1578 Geneviève Delbene d’une des plus illustres familles de Provence, de laquelle il n’eut point d’enfants.

Ainsi finit cette branche, dont les biens passèrent dans la Maison de Sado et de celle-ci dans celle des Astoauds, Seigneurs de Murs, qui ont eu par là les terres de Vers et de Séderon.

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B. de Maynier, dans « Histoire de la principale noblesse de Provence, avec les observations des erreurs qui y ont été faites par les précédens historiens… », complète quelque peu le portrait de Joseph de Boche, Seigneur de Vers et de Séderon.

« Il avait été marié à la Cour avec Geneviève d’Elbene fille d’Albise d’Elbene et de Lucresse de Cavalcanty, l’une des dames d’honneur de la Reine Catherine de Medicis. Boche porte de gueules à trois voiles enflées d’argent, suports deux Aigles d’or, cimier la pointe d’une hune, devise mas fortunas, mas velas. »

A noter que ces deux livres sont imprimés avec les caractères et l’orthographe de l’époque. L’usage était alors de noter Cederon.

L’héraldique – science des blasons – utilise un vocabulaire spécialisé.

Blason viendrait de « blasen », un mot d’origine germanique qui signifie souffler, « sonner du cor ». Or, faire retentir cors et trompettes était la manière d’annoncer les personnages. Suivait ensuite l’énumération des titres et des armes… C’est de là, probablement que le mot « blason » serait né, avec comme signification d’annonce, d’énumération des armes.

L’origine des blasons remonte au XIe siècle, lorsque les casques à protection nasale étaient utilisés. On ne pouvait alors reconnaître le soldat. Les chevaliers vont alors peindre sur leurs écus des figures géométriques, animales ou végétales. La reconnaissance sur les champs de bataille est donc l’élément qui a contribué à la création de l’héraldique. Pouvoir se rassembler rapidement auprès des chefs de bataille en pavanant des étendards et autres fanions aux couleurs de chacun.

La législation française considère l’usage des armoiries comme libre et licite. Chacun est en droit d’adopter les armoiries de son choix sous réserve de ne pas les usurper à des tiers. Tout au long de l’Ancien régime jusqu’à nos jours, l’usage de prendre des armes « de soi-même » ne fut soumis à aucune autorité dès lors qu’elles ne rentraient pas en concurrence avec des armoiries anciennes. Qu’elles fussent personnelles ou familiales, les armoiries représentaient l’identité de leur possesseur au même titre que le patronyme et étaient soumises en termes de transmissibilité et de concession aux mêmes règles que celui-ci.

Au XIVe siècle, tant en France qu’en Espagne ou en Allemagne, les souverains garants de l’ordre et de la paix pour prévenir les contestations d’armoiries et établir le recensement de leurs chevaliers chargèrent des officiers spécialisés d’établir des rôles d’armoiries pour chacune de leurs provinces. Ainsi, ces officiers appelés « héraut d’armes » eurent la haute main sur la conservation de la mémoire héraldique européenne. Ils laissèrent de leur pratique de nombreuses sources (rôle, armorial et registre) qui permettent d’établir la preuve de la possession d’armoiries.

L’usage en France de prendre des armoiries « de soi-même » ne souffrit que trois exceptions. La première eut un but purement fiscal. Louis XIV, soucieux de remplir les caisses de l’Etat de diverses façons, créa en 1696 les maîtrises d’armes. Ces juridictions héraldiques obligeaient toute personne, noble ou non, toute communauté laïque ou religieuse portant des armoiries ou souhaitant en porter, à les enregistrer moyennant un droit. Après un an de fonctionnement, ces juridictions ont étendu les enregistrements d’armoiries à toute personne jugée capable d’en porter, celle-ci ayant à faire choix d’un blason ou s’en voyant imposer un d’office. Cette mesure, destinée à augmenter les recettes des maîtrises jugées trop modestes, fut appliquée strictement pendant deux ans, mais la multiplication des conflits et des résistances, dus en partie au choix cavalier de certains blasons provoquèrent leur suppression en 1700. Cette période nous a laissé un document volumineux, « l’Armorial général de la France » attaché à la famille d’Hozier.

Histoire des usages héraldiques

La phrase héraldique accolée au blason des Boche varie selon les auteurs :

  • de gueules à trois voiles enflées d’argent, deux et une, et pour cimier la pointe d’une hune, avec cette devise mas fortunas, mas velas.’ chez d’Hozier
  • de gueules à trois voiles enflées d’argent, suports deux Aigles d’or, cimier la pointe d’une hune, devise mas fortunas, mas velas.’ chez Maynier.
  • « A mas fortunas, mas velas » : plus il y a de fortune, plus il y a de voiles. Devise en latin, comme il se doit qui rappelle l’origine professionnelle du seigneur.

On ne parle pas de couleur mais d’émail.

  • « Gueules » : Nom héraldique pour la couleur rouge.
  • « Sinople » : Nom héraldique de la couleur verte.
  • « Argent » : L’un des deux émaux employés en armoiries, c’est le blanc.
  • Pour le noir, on utilise l’émail « sable ».

Les objets ajoutés au blason sont nommés meubles.

Voici une représentation moderne de la devise de la Maison Boche
(réalisée par FranceGenWeb-Héraldique)
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  • « Voile » : Ce meuble, rare en armoiries et qui représente une voile de navire, est d’ordinaire gonflée, et attachée à une antenne posée en fasce.
  • « Fasce » : Pièce héraldique, consistant en l’espace compris entre deux lignes horizontales.
  • « Fasce (En) » : Se dit :
    • d’objets placés côte à côte dans la direction propre à la fasce.
    • d’une pièce longue posée horizontalement.
  • « Cimiers » : Ce sont les objets qu’on porte sur le sommet du casque, tels que cornes, ailes, figures humaines, animaux, etc.

D’où on peut extrapoler celle de la ville de Séderon

© Essaillon
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Armorial d’Hozier Logiciel d’héraldique moderne

(réalisé par FranceGenWeb-Héraldique)

Quel motif préside le changement de l’émail rouge des Boche à l’émail sinople de Séderon ? La question reste entière.

Alors qu’en est-il du blason qu’on voit devant la mairie et dans l’église ?

d’hermines au chef d’or
chaussé de gueules
(réalisé par FranceGenWeb-Héraldique)
© Essaillon

Rien que l’emploi de l’hermine nous indique qu’il désigne un personnage de haut lignage ou un ecclésiastique. Il s’agit en fait de la Maison des Mévouillon.

Le 8 août 1178, l’empereur Frédéric 1er Barberousse accorde aux Mévouillon de devenir une Principauté relevant directement de l’Empire.

Le 2 septembre 1317, la Principauté (Baronnie) de Mévouillon est cédée aux Dauphins par acte passé à Avignon.

Sandy-Pascal ANDRIANT

Références :