Nous avons fait paraître en provençal, dans notre dernier bulletin, un texte de J. B. Rossignol : Lou jardin de Pecaï ! ». Bien que nos lecteurs, dans leur grande majorité, soient familiers de la « lengo nostro », on nous a fait la remarque, fort justifiée, que ceux qui n’ont pas eu le privilège d’avoir des liens avec la culture Provençale, n’avaient pas pu en apprécier l’humour. Nous vous proposons donc la traduction de ce texte, traduction effectuée par Suzanne Jouve que nous remercions. Nous vous rappelons qu’elle a commencé, l’été dernier, à donner des cours de Provençal. Le nouveau texte que nous vous proposons dans ce numéro est donc aussi accompagné de sa traduction. |
Ah ! bien sûr, qu’il était joli et bien tenu le jardin du pauvre Giraudet.
Il faut dire que deux mules faisaient du fumier toute l’année, qu’une noria prenait l’eau pour arroser dans le canal d’eau douce de Pecai et qu’un jeune jardinier lui donnait un bon coup de main. Un jour d’août, où le curé des Saintes passait par là pour aller visiter les salins dont le battage et le levage du sel se faisaient au forfait, s’arrêta devant le portail :
– Quel beau jardin vous avez, cria-t-il à Giraudet, il fait plaisir à voir ! Giraudet, flatté lui répondit :
– Vous pouvez entrer M. le Curé, si cela vous fait plaisir. Et celui-ci d’entrer. Ebahi, il dit :
– Vous ne manquez pas de légumes, et des plus beaux, encore. Hé, les choses viennent bien ici. Pourtant vous êtes au milieu des salins ; il est vrai que vous avez l’eau du Rhône dans le canal "doux" !
– Regardez un peu ces tomates, ces salades et les melons aussi… avec tout ce que vous avez vous pouvez en cueillir pour les vendre.
– Oh !... regardez un peu ces quelques pieds de chasselas avec ses raisins dorés qui regorgent de soleil et… qui vous disent : « mangez-moi ! »
– Vous pouvez les goûter, M. le Curé, lui dit Giraudet.
Et le prêtre d’en prendre une jolie grappe et de goûter.
– Que c’est bon ! et goûteux !… comme le bon Dieu fait bien ce qu’il fait… Car c’est Lui qui en est la cause ! Mistral le dit dans ses oeuvres que, vous, gens de la terre… "avec le bon Dieu vous travaillez de moitié ".
Il faut dire que deux mules faisaient du fumier toute l’année, qu’une noria prenait l’eau pour arroser dans le canal d’eau douce de Pecai et qu’un jeune jardinier lui donnait un bon coup de main. Un jour d’août, où le curé des Saintes passait par là pour aller visiter les salins dont le battage et le levage du sel se faisaient au forfait, s’arrêta devant le portail :
– Quel beau jardin vous avez, cria-t-il à Giraudet, il fait plaisir à voir ! Giraudet, flatté lui répondit :
– Vous pouvez entrer M. le Curé, si cela vous fait plaisir. Et celui-ci d’entrer. Ebahi, il dit :
– Vous ne manquez pas de légumes, et des plus beaux, encore. Hé, les choses viennent bien ici. Pourtant vous êtes au milieu des salins ; il est vrai que vous avez l’eau du Rhône dans le canal "doux" !
– Regardez un peu ces tomates, ces salades et les melons aussi… avec tout ce que vous avez vous pouvez en cueillir pour les vendre.
– Oh !... regardez un peu ces quelques pieds de chasselas avec ses raisins dorés qui regorgent de soleil et… qui vous disent : « mangez-moi ! »
– Vous pouvez les goûter, M. le Curé, lui dit Giraudet.
Et le prêtre d’en prendre une jolie grappe et de goûter.
– Que c’est bon ! et goûteux !… comme le bon Dieu fait bien ce qu’il fait… Car c’est Lui qui en est la cause ! Mistral le dit dans ses oeuvres que, vous, gens de la terre… "avec le bon Dieu vous travaillez de moitié ".
Et ils continuèrent ainsi jusqu’à la lisière du champ où ils furent arrêtés par une haie de ronces, noyée dans une herbe si épaisse qu’une belette n’aurait pas traversé.
Là, le brave Giraudet se tourna vers le Capelan et dit en lui montrant la haie :
– Vous voyez cela, M. le Curé ? et bien avant, quand le bon Dieu s’en occupait tout seul, tout le jardin était comme ça !
Traduction : Suzanne Jouve