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Le point de départ de cette évocation, c’est une trouvaille de René Delhomme : un porte-lettres construit en contre-plaqué, de dimensions 27 x 26cm, qui avait la particularité d’être décoré d’une peinture naïve !
La peinture représentait un bâtiment carré à la toiture à 4 pans couronnée d’un coq, prolongé d’un bâtiment rectangulaire. Devant, une fontaine et son bassin, un grand arbre, des plantations en raies, un banc, une poule qui picore.
Le premier plan, sur la partie oblique du porte-lettres, est occupé par un alambic. Sur la droite, la silhouette d’un homme dont on constate, en y regardant de très près, que le visage est une découpe de photo. Enfin, dans le coin en bas à droite, une signature :
H. Imbert 1940
Henri Imbert ! Nous sommes nombreux à nous souvenir de lui et de son cabanon, situé sur la route du Quatre, peu après le moulin.
Qu’il ait réalisé lui-même cette peinture et qu’il y ait collé sa photo, montre l’importance que tenait dans sa vie ce havre de tranquillité.
Né en 1892, Henri est le fils ainé de Casimir Imbert (dit Tonkin car il avait fait campagne en Indochine pendant son service militaire). Il a deux frères : Gaston est agent de change à Marseille et Fernand, le plus jeune, boulanger à Séderon.
Lui est maçon. On l’appelle le Ripopée, surnom qu’il doit à sa manière de faire la cuisine (le dictionnaire nous dit qu’il s’agit « d’un mélange de choses disparates »).
Il habite la maison de la Bourgade qui fait face à l’ancienne cure - là aussi, il décore : une frise est toujours visible, qui court sur le haut de la façade en soulignant la ligne de la génoise.
Il s’est marié en 1919, mais sa femme Clémence décède en 1921.
Il possède une voiture (que les spécialistes identifieront certainement sur la photo suivante, où l’on voit sa seconde épouse Marcelle au volant). Les anciens de la Bourgade s’en souviennent : pour la sortir de la remise de sa maison, il demandait aux voisins de l’aider - on poussait, on manœuvrait à cause de l’étroitesse de la rue - et le moteur n’était mis en route qu’après, en profitant de la pente.
Son cabanon est un bien de famille. Il l’a chouchouté, embelli : le jour où le coq fut posé sur le toit, Henri était à Marseille. Trop impatient de voir le résultat, il abrégea son séjour.
Il y a aussi le champ de lavande qu’il distille sur place, le tilleul qu’on ramasse en famille. Les repas du 15 août, les après-midi avec parents, amis et les nombreux enfants. On danse aussi au cabanon.
Une peinture de 1930, signée Merle, fixe le souvenir de ce lieu idyllique.
Mais après son décès, survenu en 1967, le cabanon ne sera plus entretenu. A l’heure actuelle, les arbustes ont envahi tout l’espace et en cachent les ruines. Le bassin où l’eau stagne est encombré de débris de maçonnerie et de végétaux...
La petite histoire du cabanon du Ripopée se termine là.
Mais Henri Imbert nous a laissé un autre souvenir : une sacoche ! Elle contenait un appareil photo, divers matériels de développement et surtout une douzaine de plaques photographiques impressionnées. Pour certaines, vous en avez déjà vu le tirage : Henri et sa première épouse, la voiture avec Marcelle, le cabanon et les neveux...
Voici les autres. Commençons par deux inestimables témoignages sur l’aspect de Séderon avant 1914.Vous avez tout loisir de les détailler !
La première nous montre le « Café de l’Univers » (qui arrivera à déchiffrer le nom qui suit « Chez ... » ? voir le message ci-dessous) et la maison natale d’Henri. On reconnaît l’ancienne fontaine (ce qui permet de dater la photo d’avant 1912), la seule du village avant la rénovation du réseau d’alimentation en eau.
La seconde, prise depuis la fenêtre de la maison Imbert, nous offre un déchargement de charrette devant le Syndicat Agricole, et l’atelier Ollivier dans le fond. La nouvelle fontaine est maintenant surmontée du buste de Marianne.
Dans le lot il y a une photo curieuse : Henri a eu un peu de mal à faire poser ses personnages et son instantané n’est pas très réussi - mais voilà la preuve que l’on faisait du ski à Séderon dans les années 30 !
Il y a aussi une vue traditionnelle du village
Pour terminer le catalogue des plaques retrouvées dans sa sacoche, voici deux clichés où Henri s’était essayé à la photographie artistique :
Entourées de plantes, exhibant leurs plus belles toilettes, les demoiselles aux lourdes chevelures sont sagement assises. Mais sur leurs genoux, pétales ou bouton de fleur apportent une note révélatrice !
Le groupe des jeunes gens est traité de manière plus décontractée : si les habits sont aussi ceux de la parade, le cadre est très champêtre ! Si vous les reconnaissez...!