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L’Essaillon
« Entre la Tourre et lou Crapoun,
I a moun païs, qu’ei Sederoun »
Alfred Bonnefoy-Debaïs

Etudier, préserver et faire connaître le Patrimoine Historique, Naturel et Culturel de Séderon et de sa Région

Lou Trepoun 48
Autour du Brasero
Article mis en ligne le 23 novembre 2013
dernière modification le 13 décembre 2014

par THÉOLAS Amédée
La nuit est noire et froide, il tombe quelques gouttes
Les hommes sont partis pour le poste d’écoute
Seuls quelques vieux poilus restent inoccupés
Formant tout le rabiot de la garde aux tranchées
Ils vont tranquillement, chacun prendre sa place
Autour du brasero de la cagna d’en face
Une lampe accrochée à même la paroi
Éclaire faiblement du ras du sol au toit
Et là, en attendant l’heure de leur turbin
L’on entend nos grognards causer avec entrain
© Essaillon
– Dis donc l’ami Victor, les nouvelles sont bonnes ?
– Ma foi je n’en sais rien, je n’écoute personne
Les nouvelles dis-tu ? Eh bien moi je m’en fous
Car voilà trop longtemps qu’on nous bourre le mou
Les uns disent c’est bon, les autres au contraire
Vous font broyer du noir en parlant de la guerre
Le matin c’est Berlin que les Français ont pris
Le soir les Allemands ont envahi Paris
La corde est trop tendue, il faut qu’elle se casse
L’objet de mes désirs, c’est le jour de la classe
Pourtant on a bien dit que le communiqué
Fait mention que le front a partout progressé
Que du côté d’Arras après trois jours de lutte
Les Allemands ont fait une belle culbute
On dit qu’on leur a pris… trois mètres de tranchées
Trois mètres, c’est beau dire, mais ce n’est pas prouvé
Le renseignement sort tout chaud de la cuisine
Qu’en dis-tu donc Antoine ? Oh moi je fais le mort
C’est que depuis huit mois l’on mange sous la table
Si c’est officiel – du reste on le devine
Et je ronge mon frein, puisque c’est notre sort
Ce que je trouve moche, et même pitoyable
L’on couche sous le lit, sans se déshabiller
Le sol pour matelas, le sac pour oreiller
La capote trouée pour toute couverture
Et comme ciel de lit, des rats sur la figure
Enfin tout marche bien, l’on vient de me soumettre
A. Théolas
© Essaillon