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L’Essaillon
« Entre la Tourre et lou Crapoun,
I a moun païs, qu’ei Sederoun »
Alfred Bonnefoy-Debaïs

Etudier, préserver et faire connaître le Patrimoine Historique, Naturel et Culturel de Séderon et de sa Région

Quand nos ancêtres allaient chez le juge ou le notaire
Article mis en ligne le 17 août 2014
dernière modification le 13 décembre 2014

par DETHÈS Romain

Dans cette rubrique, nous publierons des transcriptions d’actes de notaires ou de juges de paix du canton de Séderon afin de partager la vie des Séderonnais...
(pour faciliter la lecture, nous avons remplacé les dates en lettres par des dates en chiffres, ajouté de la ponctuation et quelques accents)

S’assurer contre le service militaire – 29 mai 1821

Dans l’acte notarié [1] que nous vous proposons ici, nous découvrons l’importance du service militaire notamment au premier quart du XIXe siècle. A l’époque, l’incorporation durait 6 ans. Aussi, dans la perspective du risque d’être privés de leur fils pour les travaux des champs, des parents essaient de se prémunir contre les désagréments engendrés par le tirage d’un mauvais numéro et s’associent pour créer une sorte d’assurance…

Société entre Laurent Bladier et Joseph Delhomme de Montbrun pour 300 Francs

L’an 1821 et le 29 du mois de Mai pardevant nous Antoine Joseph Reynaud Lacroze notaire Royal à la résidence de Sederon Chef lieu de canton, arrondissement de Nyons, Département de la Drôme, furent présents le sieur Laurent Bladier époux en secondes noces de Marie Moinier qui avait été mariée en premiers noces à Alexis Roche, et qui avait eut de ce premier mariage Auguste Aime Roche qui est de la conscription 1820, et le sieur Joseph Delhomme, père de Victor Delhomme aussi conscrit de 1820 tous propriétaires agriculteurs demeurants et domiciliés à Montbrun.
Lesquels lesdits Laurent Bladier et Joseph Delhomme ont dit : notre filiatre et notre fils
sont appelés pour faire partie de la levée de 1820, et pour nous faciliter en cas que le sort tombe a l’un des eux, nous avons convenu ainsi qu’il suit :
Si le sort tombe a l’un des deux seulement, c’est a dire, si l’un des deux seulement est
obligé de partir, dans ce cas celui qui ne partira pas s’oblige de donner trois cents francs a l’autre.
Si tous les deux sont obligés de partir, dans ce cas le contrat devient nul et chacun
s’arrangera comme bon lui semblera.
Si nul des deux est obligé de partir, il n’y a pas de doute que le contrat devient aussi nul.
S’il n’y en a qu’un d’appelé et qu’il soit réformé, dans ce cas le contrat devient aussi nul.
S’il n’y en a qu’un qui soit obligé de partir, les intérêts de cette somme de trois cents francs ne commenceront à courir en faveur de celui qui ne partira pas que du jour de la réception de celui qui partira sous les drapeaux de sa majesté et a compter de cette réception, cette somme de trois cents francs sera exigible dans l’année.
Dont acte lu aux parties, fait et passé audit Sederon, dans notre étude, en présence de sieur Sauveur Jullien sous-lieutenant a demi solde demeurant à Sederon, et du sieur Pierre Steve garde forestier demeurant à Barret-de-Lioure, témoins requis et signés avec nous notaire non lesdits Bladier et Joseph Delhomme qui requis de signer ont déclaré ne le savoir faire.

Reynaud Lacroze notaire
Pour la petite histoire :
En consultant les registres de conscription de l’année 1821 pour les classes de 1820 [2], il apparaît que Pierre Victor Delhomme fut désigné « capable de servir ». Il en fut de même pour Jacques Auguste Aimé Roche mais il se fit remplacer par Jean Louis Brémond, de Buis
le 4 septembre 1821...
Quelques dates clefs dans l’histoire du service militaire….


Il a évolué au gré des régimes politiques, des républiques, de la situation internationale, de notre démographie, des conflits…

  • Avant la Révolution, l’armée était constituée de professionnels. Quelques levées de troupes ont eu lieu ponctuellement sur la base de tirage au sort mais la conscription ne devient officielle que par la loi Jourdan du 5 septembre 1798 : tous les Français sont alors appelés de l’âge de 20 à 25 ans pour un service d’une durée de 5 ans.
  • A partir de 1818, la conscription par tirage au sort avec possibilité de payer un remplaçant est mise en place. Le service dure alors 6 ans. De 1824 à 1832, il dure 8 ans et 7 ans à partir de 1832.
  • A partir de 1872, le système du remplacement est supprimé mais des dispenses pour les ecclésiastiques, les enseignants, les soutiens de famille sont accordées.
  • A partir de 1889, la durée du service passe à 3 ans et il n’y a plus de dispenses de service : a minima c’est 12 mois (pour ceux qui tirent un bon numéro…).
  • Dès 1905, le service, sauf problème de santé, est généralisé et passe à 2 ans pour tous. Le sursis, qui permet un report de service, apparaît pour certains cas. Il repasse à 3 ans à partir de 1913… puis à 1 an en 1928 et 2 ans dès 1936.
  • Après une période trouble de 1940 à 1945, il passe à 1 an en 1946. A partir de 1950, il dure entre 18 et 30 mois.
  • La loi Messmer de 1965 pose le concept de « service national » et non plus « militaire ». Il comprend un service lié à la défense et deux autres civils dont la coopération. Apparaissent aussi les centres de sélection qui verront de nombreux appelés faire leurs « trois jours ». Il dure 16 mois.
  • En 1970, le service national est accessible aux femmes sur la base du volontariat et est réduit à 12 mois. Il passera à 10 mois en 1992.
  • Le service national est finalement supprimé en 1997 par Jacques Chirac pour laisser la place à une armée « de métier ». La conscription aura duré presque 2 siècles…

Police des Débits de boissons – 23 décembre 1871

Dans cet acte du juge de paix du canton de Séderon [3], nous découvrons la contestation du cafetier de Séderon au sujet d’un procès verbal dressé par la gendarmerie du même lieu...

Canton de Séderon
Jugement de police n° 91

Entre M. l’adjoint au maire de Séderon remplissant les fonctions du ministère public près ce tribunal demandeur d’une part
et Bernard Mathieu, cafetier, domicilié à Séderon, prévenu d’autre part.
Point de fait : le sieur Bernard Mathieu a été invité à la requête du ministère public par sa lettre, en date du dix huit du courant, à comparaître à l’audience de simple police de ce jour, pour répondre aux fins d’un procès verbal dressé contre lui le 1er décembre du courant, par la gendarmerie du canton de Séderon
pour avoir laissé son café ouvert à onze heures du soir contrairement à l’arrêté de M. le Maire de Séderon, en date du 28 août 1849 qui en prescrit fermeture à dix heures du soir.
La cause appelée par l’huissier, le greffier donne lecture du procès-verbal sus-énoncé dressé contre le prévenu qui a soutenu, ainsi du reste que le constate le procès verbal, qu’à ladite heure il n’y avait aucun buveur dans son café, mais seulement le sieur Girard Isidore, dit Callotte qui venait d’y entrer pour allumer seulement une cigarette et allait en sortir lorsqu’entra la gendarmerie pour lui déclarer Procès verbal.
Ouï le ministère public en ses conclusions tendantes à l’acquittement du procès verbal sus-énoncé par le motif que dans le café dudit Bernard, encore ouvert à onze heures du soir, il n’y avait point de buveur.
Statuant en dernier ressort. Attendu qu’il résulte du procès verbal débattu par le sieur Bernard, qu’une seule personne se trouvait dans son café à onze heures du soir, qu’elle ne consommait rien et qu’elle ne faisait que se chauffer sans faire le moindre bruit ;
Attendu que dans le fait imputé audit Bernard par la gendarmerie de Séderon, il n’y a point de contravention, puisqu’il est acquis aux débats que le dit Girard Isidore dit Calotte, n’était entré dans son café à la dite heure que pour allumer sa cigarette et en sortir aussitôt, sans avoir l’envie de consommer aucune chose,
Par ces motifs : renvoie ledit Matthieu Bernard des fins de la plainte sans dépens.
Ainsi jugé et prononcé en audience publique tenue par nous, Juge de paix du canton de Séderon assisté de M. Bonnefoy Debaïs, notre greffier, le 23 décembre 1871.
Perrin [4] Bonnefoy Debaïs

Pour la petite histoire :
La justice de paix apparaît avec la révolution suite aux nombreux cahiers de doléances qui dénonçaient la justice seigneuriale. Il fallait alors réformer le système judiciaire, le rendre proche des citoyens, simple et moins onéreux. Un juge de paix par canton fut mis en place.
Ses attributions étaient vastes et il pouvait intervenir pour la nomination de tuteurs et mener les délibérations de conseils de familles, recevoir les serments des gardes-champêtres, facteurs, trancher sur des litiges de voisinages, rendre des jugements de simple police... Les archives de la justice de paix du canton de Séderon constituent une source riche d’anecdotes, d’histoires et nous renseigne sur les tribulations quotidiennes de nos ancêtres...
Pour en savoir plus sur la justice de paix à Séderon, vous pouvez vous replonger dans l’article passionnant de Jean Mathonnet paru dans l’Essaillon : « La justice de paix à Séderon ».

Les moulins de Séderon – 1er janvier 1827

Dans cet acte notarial [5] établi par Charles Antoine Reynaud Lacroze, nous assistons à la vente des moulins de Séderon...

Vente pour 14000 Francs à Jean-Baptiste Dethes de Séderon, par Michel Anglés
de Saint Vincent et Jean Joseph Armand de Sisteron

L’an 1827 et le 1er du mois de janvier, pardevant nous Charles Antoine Reynaud Lacroze notaire Royal à la résidence de Sederon, chef lieu de canton, arrondissement de Nyons, département de la Drôme, ont comparu sieur Michel Anglés propriétaire et foulon demeurant et domicilié à Saint Vincent commune du département des Basses Alpes.
Et sieur Jean Joseph Armand négociant demeurant et domicilié en la ville de Sisteron, département des Basses Alpes,
Lesquels ont conjointement et par moitié, sans solidarité entreux, vendu sous la garantie de droit et de fait et libres d’hypothèque,
A sieur Jean-Baptiste Dethes dit de Liauron propriétaire laboureur demeurant et domicilié à Séderon, ici présent et acceptant, les moulins à grains et a huile a eux appartenants situés sur le terroir de la commune de Sederon, consistant, le premier qui est au quartier du plus haut moulin en un logement pour le propriétaire, moulin pour le froment, moulin pour le gros grain, gruaire, pressoir d’huile, écuries, grenier a foin, décharges, jardin et terres labourables, le tout confine au levant, le grand chemin, au midi Louis Constantin et Charles Dethes, au couchant, la rivière, et au nord monsieur Louis Brachet ruisseau entre-deux.
Le second qui est au quartier du plus bas moulin, en un moulin pour le froment, basse
cour et terre labourable, le tout confine au levant, chemin et les héritiers de Joseph Pascal dit la Bataille, au midi, chemin, au couchant Jean-Pierre Plaindoux, et au nord, lesdits héritiers Pascal et autres.
Ces immeubles sont vendus avec leurs privilèges et servitudes avec tous les ustensiles et effets mobiliers nécessaires a l’usage de ces moulins, avec leurs canaux, prises d’eau, haires, le tout sans aucune exception, ni réserve, tels qu’ils les ont acquis du sieur Michel Richaud de Salignac, par actes séparés reçus Monsieur Imbert notaire à Sisteron de leurs dates dument enregistrés.
Desquels moulins, immeubles et meubles le sieur Dethes pourra a dater de ce jour, jouir et disposer ainsi que les vendeurs avaient le droit de le faire, à la charge par lui d’en payer désormais les contributions.
Cette vente a été faite pour la somme de 14000 francs, de la quelle l’acquéreur a payé
comptant la somme de 3000 francs a chacun de ses vendeurs qui pris, vérifiés et emboursés par ces derniers, au vu de nous notaire et témoins en quittancent : et quant aux 8000 francs restants, Dethes s’oblige de les payer savoir : 4000 francs a Anglés, d’aujourd’hui en un an, avec interet legal sans retenue et lorsqu’il aura fait radier a ses dépends les hypothèques de la femme d’Anglés que Dethes faira radier a ses dépends.
Et quant aux 4000 francs qui restent dus a Armand, ce dernier charge et délègue Dethes de payer la somme de 1500 francs a sieur Alphonse Eugène Donnet de Marseille (qu’il lui doit par acte reçu Monsieur Imbert notaire à Sisteron, le 28 août 1821), enregistre le 28 août prochain avec intérêt légal sans retenue ; Dethes s’obligeant de porter l’argent a Sisteron.
Et les 2500 francs restans Dethes s’oblige de les payer à Armand, d’aujourd’hui en un an, avec intérêt légal sans retenue et lorsque Armand aura fait radier à ses dépends les hypothèques qui peuvent peser sur ces immeubles, si ce n’est l’hypothèque légale de l’épouse d’Armand que Dethes faira radier a ses dépends. [6]
Comme Anglés se trouve propriétaire du Moulin a draps où foulon qu’il possède à Sederon tous près du plus bas moulin et que le règlement des eaux pour le plus bas moulin et foulon est fort ancien et qu’il pourrait donner lieu a des difficultés : il est convenu entre Dethes et Anglés du règlement suivant :
Anglés aura l’eau pour faire jouer son foulon depuis le 1er novembre jusques au 15 juillet de chaque année a perpétuité Dethes ne pouvant prendre cette eau pour faire jouer son plus bas moulin que depuis le 15 juillet jusques au 1er novembre de chaque année, a perpétuité.
Anglés lui donnant même la faculté de se servir de cette eau depuis le 1er novembre
jusques au 25 décembre de chaque année a perpétuité, sil n’en a pas besoin pour faire jouer son foulon.
Anglés se réserve de plus la faculté de pouvoir prendre cette eau dans les « terres qu’elle sera » a Dethes pour arroser l’immeuble qu’il possède contigu au foulon, pendant vingt quatre heures, tous les quinze jours, a perpétuité.
Anglés et les siens ne pourront point construire de moulins et Dethes et les siens point
de foulons.
Dont acte fait à Sederon, dans notre étude, et lu aux parties en présence de sieur Sauveur Jullien sous-lieutenant a demi solde et du sieur Jean Michel Gabert maitre menuisier, tous les deux demeurants et domiciliés à Sederon, témoins requis et signés avec nous notaire et les parties

Pour la petite histoire :
Jean-Baptiste Dethès dit de Liauron fut ensuite dit de Rivaine à partir de 1828 date à laquelle il confia l’entretien de son domaine de Liauron à Etienne Landrin puis le céda à son frère Antoine Dethès le 27 mai de la même année [7] .
Jean-Baptiste Dethès dit de Rivaine fut élu maire de Séderon le 3 mai 1831. Il décéda le 30 décembre 1831, moins d’un an après son épouse Henriette Michel. Dans l’acte d’adjudication préparatoire des articles dépendant de leur succession [8], au lot numéro 6 on peut lire « consiste en un pré en partie défriché, du moulin, qui contient seize perches carrées soixante mètres, confinant au levant, la rivière, et de tous les autres côtés François Déthès dit Goupran, estimé huit cents fr ».
Pour celles ou ceux curieux de découvrir l’histoire des moulins de Séderon, cet acte leur permettra de commencer leurs recherches...
Romain DETHES