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L’Essaillon
« Entre la Tourre et lou Crapoun,
I a moun païs, qu’ei Sederoun »
Alfred Bonnefoy-Debaïs

Etudier, préserver et faire connaître le Patrimoine Historique, Naturel et Culturel de Séderon et de sa Région

Le capitaine Louis-Dominique Brachet
(1773 — 1850)
Article mis en ligne le 2 janvier 2018

par MATHONNET Pierre

Aucun des enfants de Séderon n’est actuellement reconnu comme personnage historique local et pourtant certains méritent peut être cette reconnaissance. Tel Louis-Dominique Brachet qui fit partie du bataillon des Fédérés Marseillais initiateur de l’hymne national, qui fut un des premiers drômois à être décoré de la Légion d’Honneur et qui termina sa carrière militaire en tant que capitaine d’un des plus glorieux régiments de cavalerie de Napoléon 1ᵉʳ. Ces quelques lignes, qui tentent de reconstituer sa vie, contribueront peut-être à cette reconnaissance.

Louis-Dominique Brachet naît à Séderon le 26 avril 1773, il est baptisé le jour même. Son père André Brachet, issu d’une famille bourgeoise séderonnaise, est devenu négociant en étoffes après avoir épousé Rose Cassan, héritière de Dominique Cassan, un riche négociant séderonnais. La famille Brachet compte trois autres enfants, elle habite la maison qui fut en 1960 intégrée au bâtiment actuel de la Mairie. Leur écurie au rez-de-chaussée est devenue le porche d’entrée et l’aile de la salle des fêtes  ; leur cuisine et leurs appartements au premier étage sont devenus le bureau du secrétariat de Mairie et ses annexes  ; leur galetas et leur grenier à foin au second étage sont devenus le gîte municipal.

En juin 1791, le gouvernement révolutionnaire, craignant une invasion de la France, décide la formation dans chaque département de bataillons de Volontaires Nationaux pour la défense des frontières. La municipalité de Séderon devant fournir 6 volontaires, c’est ainsi que Louis-Dominique Brachet s’engage le 5 octobre 1791, à l’âge de 18 ans, pour une durée de un an.

Louis-Dominique Brachet, qui sait lire et écrire, est élu en octobre 1791 sous-lieutenant dans le 4ᵉ bataillon de volontaires de la Drôme. En juin 1792, sans doute déçu par la vie de garnison du 4ᵉ bataillon, il s’engage à Marseille dans le bataillon de Fédérés Marseillais, formé pour aller défendre Paris menacé par les troupes autrichiennes.
Le 2 juillet à 7 heures du soir, les 450 Fédérés quittent Marseille pour se rendre à pied à Paris, en tirant deux canons de campagne, un caisson d’artillerie et trois chariots de bagages. Après avoir parcouru 800 km sous la canicule (à raison d’une trentaine de km par jour) en passant par Aix, Avignon, Valence, Lyon et Saulieu, ils arrivent à Paris le 30 à midi. Ils entrent dans la capitale, aux accents du chant de guerre aux armées des frontières de Rouget de l’Isle. Ils l’ont appris par cœur avant de partir, comme chant de marche, et il deviendra alors l’hymne des Marseillais puis plus tard la Marseillaise.
Le 15 mars 1793, alors que la plupart des Fédérés Marseillais rentrent chez eux, Louis-Dominique Brachet s’engage à Compiègne au 7ᵉ régiment de hussards. Le registre matricule de ce régiment fournit le seul renseignement sur son physique (à son incorporation, il mesure 5 pieds, 3 pouces, soit 1 m 70). Il revêt alors un uniforme (représenté sur les figures jointes) qui fait sans doute partie des plus chatoyants de la Révolution et de l’Empire.

© Essaillon
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Louis-Dominique Brachet effectue au 7ᵉ régiment de hussards 20 ans de service, dont 16 ans de campagne de guerre (à l’armée du Rhin de 1793 à 1801, à l’armée des côtes de l’Océan de 1803 à 1805, et à la Grande Armée d’Allemagne de 1806 à 1812).
Il est nommé brigadier à 20 ans, maréchal des logis à 25 ans, adjudant à 30 ans, sous-lieutenant à 32 ans, lieutenant à 36 ans, capitaine à 39 ans. Il participe à 7 batailles (Zurich le 29 septembre 1799, Salzbourg le 13 décembre 1800, Eylau le 8 février 1807, Eckmuhl le 22 avril 1809, Ratisbonne le 23 avril 1809, Raab le 14 juin 1809, Wagram le 6 juillet 1809) et à 35 combats (c’est à dire à des engagements de moindre importance).
Louis-Dominique Brachet est cité 5 fois à l’ordre de son régiment (le 5 avril 1794 pour avoir fait prisonnier 2 hussards ennemis, le 18 octobre 1795 à Manheim pour avoir sauvé des mains de l’ennemi le général Davoust, le 22 novembre 1796 à Khel pour avoir pris avec 3 hussards 8 canons ennemis, le 5 mars 1798 à Berne pour avoir pris 2 canons ennemis et le 23 avril 1809 à Ratisbonne pour avoir fait prisonnier un officier et un cuirassier ennemis).
Il est blessé 3 fois (le 2 juillet 1794 à Deux Ponts d’un coup de feu à la hanche, le 18 octobre 1795 à Manheim d’un coup de sabre à la main gauche et le 13 juin 1809 à Raab d’un coup de pistolet au bras gauche).

Louis-Dominique Brachet a été décoré de la Légion d’Honneur le premier août 1805. Il fit partie, en 1806, de la brigade, composée des 5ᵉ et 7ᵉ régiments de hussards et commandée par le fameux général Lasalle, qui fut surnommée la Brigade Infernale après avoir couvert en 25 jours une distance de 1.160 kilomètres à travers l’Europe du Nord à la poursuite d’une armée prussienne et obtenu par subterfuge, le 29 octobre, la capitulation de la forteresse de Stettin, forte d’une garnison de 6.000 hommes et disposant de 160 canons (Lasalle dispose ses seuls 500 cavaliers autour de la forteresse comme pour un siège et la menace de bombardement à l’aide de canons factices en bois).
Pendant ces différentes campagnes Louis-Dominique Brachet aura parcouru l’Est et le Nord de la France, l’Allemagne, la Suisse, l’Autriche, la Hongrie, la Pologne et la Prusse. Il est admis à la retraite le 16 août 1813, ses blessures au bras et à la hanche et un épuisement général le rendant impropre à toute espèce de service. Il se retire à Sint Truiden, dans la province du Limbourg du Royaume des Pays Bas (l’actuel Saint Trond en Belgique), où il s’est marié le 23 août 1813. Il y meurt le 6 janvier 1850.

Louis-Dominique Brachet n’est pas revenu à Séderon où pourtant il avait sans doute acquis la pratique de l’équitation qui lui a permis d’être élu officier des Volontaires Nationaux puis de s’illustrer dans une arme qui regroupait les meilleurs cavaliers. Pourquoi ne pas alors imaginer que le premier fait marquant de la vie de Louis-Dominique Brachet est une victoire dans la course de chevaux organisée chaque année à Séderon pendant la fête votive de la Saint Baudille.

Pierre MATHONNET
© Essaillon