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L’Essaillon
« Entre la Tourre et lou Crapoun,
I a moun païs, qu’ei Sederoun »
Alfred Bonnefoy-Debaïs

Etudier, préserver et faire connaître le Patrimoine Historique, Naturel et Culturel de Séderon et de sa Région

Quand nos ancêtres allaient chez le juge ou le notaire
Article mis en ligne le 23 juillet 2018

par ANDRIANT Sandy-Pascal, DETHÈS Romain

Testament d’André Dethès, le 14 mai 1711

Nous continuons d’explorer la vie des habitants de Séderon et du canton en publiant des transcriptions d’actes de notaires ou de juges de paix [1]
Dans cet acte notarié [2], nous découvrons un testament classique du début du 18e siècle.

« Au nom de dieu soit fait. L’an 1711 et le 14e jour du mois de mai après-midi, par-devant nous notaire royal et témoins fut présent en sa personne André Dethès ménager [3] de ce lieu de Séderon, détenu de certaine maladie corporelle par le vouloir de dieu dans son lit, gisant toutefois sain de ses sens, bonne mémoire et entendement, considérant qu’il n’y a rien de plus certain que la mort ni rien de plus incertain que l’heure d’icelle ainsi vaut mieux de prévenir cet accident que d’être prévenu [4].

Lequel de son gré a voulu faire, comme il fait son testament nuncupatif [5] et ordonnance de dernière volonté pour ne laisser en trouble ny molleste [6] ceux qui après son décès pourront prétendre et demander sur ses biens et héritage de la manière que après s’ensuit.

Et parce que l’âme est plus digne que le corps, a icelle recommandée à dieu le père le priant que, par le mérite de son cher fils Jésus Christ et par l’intercession de la Sainte Vierge, saints et saintes de paradis, la vouloir recevoir et colloquer dans son royaume céleste à la compagnie des bienheureux, élisant sépulture à son-dit corps au cimetière de l’église paroissiale dudit Séderon où il veut être accompagné par les Sieurs prêtres dudit Séderon et des pénitents ses confrères pour qu’ils disent des prières et oraisons funèbres à l’intention de sa-dite âme.

Et ensuite sera fait des neuvaines, des messes et chantars [7] comme est accoutumé suivant sa condition et à la décision et frais de son héritier ci-après nommé.

Lequel testateur le charge de payer à la confrérie desdits pénitents dudit Séderon trois livres qu’il lui lègue pour une fois tant seulement, expédiable dans l’an de son décès.

Comme de même lègue aux pauvres nécessiteux dudit Séderon douze émines [8] blé conségail, mesure dudit lieu, expédiables dans trois jours après son décès, six émines converties en pain distribuable à la porte de sa maison et six émines au bout de l’an par son héritier expédiables auxdits termes. De même lègue pour une fois aussi tant seulement à l’hôpital dudit Séderon trois livres de l’Edit payables par son héritier aussi dans l’an de son décès. A légué et lègue par droit de légat et institution particulière à Anne DETHES sa fille, femme de François RICOU dudit Séderon, la somme de 200 livres de l’ordonnance qui veut lui être payées en quatre ans et quatre payes égales dont la première se fera incontinent [9] après son décès et trépas, et les autres trois payes se feront d’an en an consécutivement à semblable jour jusqu’à entier paiement – sur lesquelles 200 livres veut et entend ledit testateur que ladite Anne DETHES sa fille tienne à compte la somme de 42 livres 15 sous que ledit RICOU son mari lui doit pour promesse privée du 20 août 1706, lui faisant ledit légat outre et par-dessus la constitution dotale qu’il lui a faite dans son contrat de mariage d’avec ledit RICOU reçu par feu M° Louis BONNEFOY notaire aux an et jour y contenu. Et en ce l’a instituée son héritière particulière, veut et entend qu’elle ne puisse prétendre autre chose sur ses biens et héritage.
A légué et lègue à Izabeau DETHES son autre fille, veuve de feu Jean Louis PASCAL du lieu de Montauban, un habit de deuil de la valeur de 15 livres qu’il veut lui être expédié incontinent après son décès et trépas. Lui lègue encore la somme de 40 livres que ledit feu Jean Louis PASCAL se trouve lui devoir par écriture privée du dernier février 1697. Lesquelles 40 livres, ledit feu PASCAL lui devait payer au jour et fête de la St Barthélémy lors prochain voulant que son héritier ci-après nommé lui remette alors ladite promesse incontinent après son décès et trépas. Au moyen de laquelle rémission, son-dit héritier ne sera tenu d’aucune éviction de ladite promesse. Luy lègue encore la somme de 60 livres d’un côté et 13 livres d’autre que ladite Izabeau DETHES se trouve devoir à son héritier sous-nommé. Savoir lesdites 60 livres par obligation reçue par M° JULLIEN notaire de Mévouillon en sa datte, pour les causes y référer et les 13 livres qui ont été fournies pour employer à l’achat du pain de noix – outre et par-dessus la constitution dotale qu’il lui a faite dans son contrat de mariage d’avec ledit PASCAL reçue par moi notaire en sa datevoulant et entendant ledit testateur que ladite Izabeau DETHES demeure pour contente et que autre chose ne puisse demander sur ses biens et héritage, l’instituant en ce son héritière particulière.

A légué et lègue par même droit de légat à Honorade DETHES son autre fille, et femme de Mr Estienne PASCAL menuisier dudit Séderon, un habit de deuil de même valeur de 15 livres expédiable comme dessus incontinent après son décès et trépas outre et par-dessus la constitution dotale qu’il lui a faite à son contrat de mariage reçu par moy notaire aux an et jour y contenu. Voulant qu’elle demeure pour contente et que autre chose ne puisse demander sur ses biens et héritage, et en ce l’a instituée son héritière particulière.
Et à tous ses autres biens meubles, immeubles, droits, nom, raisons et actions, présents et à venir, ledit testateur a fait, créé et institue, et de sa propre bouche nommé son héritier universel et général Cézar DETHES, son filz, par lequel veut être satisfait tant aux susdit légats pieux que aux autres légats qu’il a ci-dessus faits.

C’est son dernier testament nuncupatif et ordonnance de dernière volonté qu’il veut qu’il vaille par droit d’iceluy, codicille, donation à cause de mort et par tout autre droit qu’il mieux pourra et devra valoir. Cassant et révoquant tous autres testaments et dispositions finales qu’il pourrait avoir ci-devant faits.

Priant et requérant les témoins ci-après nommés qu’il a vus et reconnus d’en porter témoignage de vérité et moi dit notaire lui en concéder acte. Ce qui a été fait et publié audit Séderon et dans la grange dudit DETHES, au quartier de Lioron, présents Joseph DETHES fils de Joseph cordonnier, Mathieu RICOU fils de Guilhem tisserand, Pierre ROUBAUD fils à feu Pierre, Pierre MOURENAS à feu Nicollas, Marc MEVOLHON du lieu de St Vincent-sur-Jabron, Jean BEAUCHAN travailleur et Augustin AUDIBERT fils de Estienne du lieu des Omergues, témoins requis et signés qui a su avec ledit testateur. »

Pour la petite histoire :
Sous l’ancien régime, le testament a une valeur avant tout spirituelle [10]. Le testateur a pour première préoccupation de prendre soin de son âme : « parce que l’âme est plus digne que le corps ». Des messes sont donc programmées aux frais de son héritier. Dans ce testament, elles sont confiées aux pénitents de Séderon, une confrérie dont faisait certainement partie André Dethès puisqu’ils sont qualifiés de « confrères ». Il y avait la grand’messe de l’enterrement, celle qui se célébrait lors du premier anniversaire du décès et d’autres comme la neuvaine qui était composée de huit messes basses et une dernière chantée. D’autres formules existaient pour les plus fortunés avec des messes à perpétuité sur une base quotidienne, hebdomadaire, mensuelle ou annuelle et qui nécessitaient le legs d’un bien immobilier ou d’une somme d’argent pour financer ces célébrations.

Sont ensuite précisés les dons et legs charitables du testateur. A nouveau, l’aspect religieux est fondamental et démontre à quel point, sous l’ancien régime, nos ancêtres étaient soucieux de se conformer aux préconisations de l’Eglise. Ici, André Dethès « lègue aux pauvres necesiteux dudict Sederon douse eimines6 bled » (soit 24 kg de blé), du pain à la porte de sa maison sera distribué et un legs est aussi prévu pour l’hôpital de Séderon…
Enfin, les dispositions familiales sont précisées et se terminent par l’héritier universel, qui est en général le fils aîné. Les autres héritiers ne sont pas oubliés mais dans notre cas, l’héritier universel aura la maison, les terres, les animaux, les outils de travail… alors que les autres hériteront presque uniquement d’« un habit de deuil de mesme valleur de quinse livres ». Nuançons néanmoins les effets du droit d’aînesse : des remises de dettes sont ici octroyées aux gendres qui ont aussi reçus des dots.

André Dethès ne fait pas mention de son épouse Louise Jullien car elle est décédée 7 ans plus tôt. Lui-même mourut le 6 juin 1711 âgé d’environ 80 ans, soit 3 semaines après avoir dicté ce testament.

Romain DETHÈS