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L’Essaillon
« Entre la Tourre et lou Crapoun,
I a moun païs, qu’ei Sederoun »
Alfred Bonnefoy-Debaïs

Etudier, préserver et faire connaître le Patrimoine Historique, Naturel et Culturel de Séderon et de sa Région

Lou Trepoun 27
De quand date Séderon ?
Article mis en ligne le 30 septembre 2013
dernière modification le 13 décembre 2014

par DASPRE André
Texte que nous a aimablement communiqué Monsieur André DASPRE après l’exposé qu’il nous a fait le 12 août 1999, en début d’Assemblée Générale

Pourquoi s’intéresser aux noms de lieux, que l’on appelle des toponymes, en termes savants ? Et bien parce que c’est un moyen d’expliquer le nom d’un village, d’une rivière, d’une montagne ; et, pour un village, une ville de savoir, à peu près, à quelle époque ont été construites les premières habitations.

Ces origines peuvent remonter très loin puisque le territoire qui est celui de la France actuelle était déjà occupé vers 3 000 ans avant Jésus-Christ. Dans notre région, c’est à dire entre le Rhône et Gênes, se sont établis les Ligures, bien avant les Gaulois qui ont envahi l’ensemble du pays seulement entre le VIIIème et le Vème siècles avant J-C.

Or on trouve des noms de lieux qui doivent remonter aux Ligures, ou même avant eux, en tout cas avant l’arrivée des Gaulois. Ensuite il est plus facile de repérer des noms gaulois, puis des noms grecs (dans le midi) et surtout beaucoup de noms d’origine romaine.

En Normandie, bien des noms de villes sont de langue normande ; le mot fleur que l’on trouve dans Honfleur, Barfleur, par exemple est trompeur : il veut dire baie en normand.

En Bretagne, on a conservé beaucoup de noms celtes ; par exemple, le mot ker, qui est très fréquent, signifie ville, village.

Bref, d’après l’origine de ces noms, on peut savoir qui a occupé une région et, approximativement, à quelle époque.

En même temps, ces noms nous indiquent où se trouvait le hameau, le village : sur une hauteur, au bord d’une rivière, d’un marais, dans une vallée, près d’un bois, etc...

Par exemple, de très nombreux noms de lieux viennent de noms d’arbres en latin. C’est le cas de Buis qui vient du latin buxum, qui signifie... buis !

La Freissinière vient du latin fraxinus qui signifie le frêne.

La Saulce, c’est un lieu planté de saules, du latin salix.

Cadenet (dans le Vaucluse) et La Cadière (dans le Var) désignent un endroit où l’on trouve la cade, qui est le nom provençal du genévrier.

Quand on dit le Col de l’homme mort on fait peut-être une erreur : on a probablement confondu l’homme et l’orme car cela s’est souvent produit pour d’autres noms de lieux ou de personnes. Et si c’est un orme, et pas un homme, qui est mort, le col prend un aspect plus rassurant !

Ce qui complique la recherche, c’est que les mots sont déformés au cours des siècles. On essaie donc de remonter le plus loin possible dans le temps pour connaître le premier nom d’un lieu ; celui qui aura été le moins déformé. Ensuite, on fait des comparaisons avec des noms semblables et l’on cherche ce qu’on appelle la racine du nom : c’est la partie du nom la plus importante, celle qui donne le sens eut qui se trouve au début du mot.

Et Séderon ? J’y arrive ! Pour dire que les Séderonnais peuvent être fiers d’habiter un vieux, un très vieux village !

En effet, d’après C. Rostaing, dans son livre sur la « Toponymie en Provence », le mot séderon est formé de la racine sed – et d’une suite arone qui n’ajoute rien de plus au sens de la racine. Or cette racine, qui peut avoir la forme sed ou set, appartient à une langue parlée avant l’arrivée des Gaulois, donc un millier d’années (environ !) avant J-C. En l’an 2 000, Séderon aura donc 3.000 ans ! Marseille qui n’a que 2 600 ans, a fait la fête, pourquoi pas Séderon qui est bien plus ancien ?

Deux mots de plus pour expliquer aux curieux comment C. Rostaing a trouvé l’origine de Séderon. Il a retrouvé la même racine sed ou set dans le nom de la ville de Sète – ce qui est facile à voir – mais aussi dans Seyne-les-Alpes ce qui peut surprendre.

Mais dans un texte du XIIème siècle, en latin, la ville s’appelle Sedena ; c’est son premier nom connu où la racine sed est bien visible. Par la suite ce nom a été déformé en passant en langue provençale et il est devenu Seyne qui est le nom d’aujourd’hui.

Bref, dans Sète, La Seyne, Séderon on retrouve une vieille et même racine qui signifie la hauteur : ces trois villes étaient donc perchées à l’origine.

Alors où était le premier Séderon ? Sur la Tour ? Sur Beauregard qui est plus près de l’eau, ou sur une pente du Crapon ? La toponymie ne peut pas nous le dire : c’est aux archéologues de fouiller le sol pour trouver la réponse !

André DASPRE