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L’Essaillon
« Entre la Tourre et lou Crapoun,
I a moun païs, qu’ei Sederoun »
Alfred Bonnefoy-Debaïs

Etudier, préserver et faire connaître le Patrimoine Historique, Naturel et Culturel de Séderon et de sa Région

Lou Trepoun 38
Ricochets sur un fil
Article mis en ligne le 7 octobre 2013
dernière modification le 13 décembre 2014

par DELSART-MICHEL Paule

Le bateau glissait sur le fleuve qui enserre la ville dans sa boucle et je me laissais aller au fil de l’eau.Ma pensée fuyait quelques siècles auparavant ; mon imagination vagabondait au fil du temps, aidée en cela par un amoureux de cette ville qui nous contait son histoire. Intarissable, prolixe, il finissait par perdre le fil de son discours. « Des hommes travaillaient là sur la rive avec un fil à la patte car c’étaient des forçats condamnés au bagne ! » Pauvres diables ! Ils avaient peut-être volé un pain pour calmer un estomac qui se nouait. Ils devaient tirer sur des cordages, des fils encore, commis entre eux ; emmêlés, torsadés,serrés pour hâler les bateaux. Dur ! Dur ! Du fil à retordre, en somme !

Pourquoi eux et pas d’autres ? — Moi, vous, nos pères, nos aïeux ? — C’est le destin ! Il ne tient qu’à un fil !

Nous arrivions au pont, le transbordeur qui passait d’une rive à l’autre une nacelle suspendue par des fils d’acier, des fils tendus bien sûr ! Puis l’autre, en béton celui-là, beaucoup moins poétique, puis le troisième merveilleux dans sa toile arachnéenne de haubans.

Pourquoi trois ponts au même endroit ? Nécessité ? Gaspillage ? Enjeu politique ? – C’est cousu de fil blanc, répondit notre guide !

Des fils, des fils encore, des fils partout, dans notre langage et dans nos maisons qui en sont remplies.

© Essaillon

La ménagère d’autrefois n’avait que des fils d’araignée à ôter, des fils de soie à tirer, des broderies d’art à créer de fil en aiguille pour livrer ses talents aux reflets chatoyants.

Aujourd’hui, c’est une forêt de fils indisciplinés, capricieux, beaucoup moins soyeux, beaucoup moins brillants qui envahissent nos maisons et poussent derrière tous nos appareils, tous nos médias ; ce sont les tripes du système qui traînent, s’enroulent, nous poursuivent, nous entourent, nous envahissent et font des sacs de nœuds, se branchent ici ou là, partout, pendent, gisent et s’enlacent décrivant méandres et arabesques folles…

Nous accostions et nous nous enfilions dans un labyrinthe végétal d’où nous eûmes bien du mal à sortir car nous n’avions pris soin de dérouler un fil d’Ariane derrière nous. Aussitôt libérés, nous filions droit fil vers le restaurant.

Au menu

Fil - et de bœuf sauce périgourdine.

Haricots verts… Sans fils ceux-là !

Paule DELSART